« L’accompagnement global » d’une personne en recherche d’emploi tient compte de sa situation globale, familiale, économique, sociale, de formation, etc. Ce pont jeté entre le conseiller de Pôle emploi qui va orienter le demandeur sur la formation adéquate, et le travailleur social celui l’accompagne en proximité dans ses démarches, est parti du constat d’un écart, parfois un fossé, entre la réalité quotidienne du demandeur d’emploi, et les formalités qu’on lui demande de remplir.
Se nourrir, se loger et se déplacer, voilà les trois priorités du demandeur d’emploi qui doit surmonter a minima ces trois écueils. Surtout à Mayotte où 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Et on va voir que cela touche toutes les populations de l’île. L’assistante ou l’assistant social va donc jouer un rôle essentiel, et cela, en concertation avec le conseiller de Pôle emploi, une première à Mayotte pour ce dispositif national,
Un triumvirat qui n’a pas toujours été optimum sur cette phase de test, et c’est un des freins relevés lors de cette réunion d’où ont émergé des premières réponses.
La phase expérimentale financée par le fonds européen FSE-REACT-EU a été menée sur deux zones, Mamoudzou et Dzoumogné, « avant de l’étendre à l’ensemble de l’île, sur les communes où sont implantées les UTAS* », rapporte Flaccine Daniel, Chargée des relations partenariales à Pôle emploi.
Avant cet élargissement, il va falloir solutionner beaucoup de problématiques levées lors de cette première phase, c’était d’ailleurs l’objectif, fera remarquer la DASTI, Direction de l’Action Sociale Territorialisée et de l’Insertion, du conseil départemental.
« Le parc logement du Département est saturé »
Le dispositif avait comme ambition de toucher 140 nouveaux demandeurs d’emploi, ils ont été 163 à l’être, 80 sur Mamoudzou et 83 sur Dzoumogne. Deux conseillers avaient été dédiés à cette opération par Pôle emploi, un pour chaque zone.
Le chargé d’appui FSE, Talmidhou Bina, rapportait un tableau chiffré et argumenté des forces et des faiblesses de l’expérimentation, relayées par la représentante des travailleurs sociaux du CD. Les « lourdeurs administratives » décriées sur les retour chiffrés à envoyer, ne sont en fait que le symptôme d’une situation d’urgence à Mayotte : « Quand on balaie les difficultés sociales de la personne, il faut agir sur l’urgence, certains ont faim, d’autres ont besoin d’un logement. Les fiches, ça vient après. Or, ceux qui n’ont aucune ressource ont des droits à la caisse d’allocation familiale, mais ils n’ont jamais été ouverts. Et pourtant, plusieurs sont de nationalité française. Pourtant, je n’ai jamais réussi à avoir un interlocuteur », déplorait la responsable de l’UTAS de Dzoumogne.
Que ce soit à la CAF, pour des allocations, ou au niveau du logement, « le parc logement du conseil départemental est saturé, notamment en raison des décasages », les relogements suite aux opérations menées par la préfecture en application de la loi Elan. « J’ai balayé tous les dispositifs, en vain ! »
Pas d’accès aux droits sur les deux zones testées
Et l’étendu du problème est plus vaste que l’on ne pense : « Que ce soit à la CAF, à la Sécu, aux services des impôts et des banques qui refusent l’ouverture d’un compte, je n’ai eu aucun interlocuteur. Or, pour ouvrir des droits à la CAF, il faut une attestation d’impôt. Les problèmes qui se posent sont énormes ! »
Pour y répondre, la représentante de la DASTI expliquait que le Conseil départemental de Mayotte a été retenu à un appel à manifestation d’intérêt national, émis par Service Public de l’Insertion et de l’Emploi (SPIE), « il s’agit d’un accompagnement financier pour créer une plateforme de liaison entre tous les partenaires. Il faut absolument que tous les services cités mettent à disposition un référent chargé de répondre aux alertes ». Des ressources humaines supplémentaires vont également être demandées à Pôle emploi et au conseil départemental pour répondre à ces besoins.
Les banques en ligne ont été démarchées sur l’ouverture de compte, « mais cela implique que le demandeur d’emploi ait internet, et ce n’est pas sûr que la CAF reconnaisse ces banques. »Les Centres communaux d’action sociale ont été identifiés comme les acteurs chargés de cet accès aux comptes bancaires. Rappelons que l’IEDOM peut être saisi sur son service de ‘droit aux comptes’.
Autre difficulté le profil des demandeurs d’emploi, « la majorité sont des femmes seules, qui ont donc des problèmes pour faire garder leurs enfants, et des difficultés à se déplacer. Beaucoup d’entretiens se sont faits par téléphone. » Il était proposé d’organiser des prises en charge avec l’une des 180 crèches de l’île. Mais avant toute démarche, la DASTI demandait des données chiffrées sur le pourcentage de femmes, seules, sur leurs lieux d’habitation, etc.
Plus globalement et pour conclure sur le dispositif d’accompagnement global, une meilleure organisation est à mettre en place, rapportait Talmidhou Bina, « s’il faut une meilleure coordination entre la conseillère de Pôle emploi et l’assistante sociale du conseil départemental en règle général, c’est un binôme qui a plutôt bien fonctionné à Dzoumogne ».
Anne Perzo-Lafond
* Unité Territoriales d’action sociale du conseil départemental
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