Toute la genèse de ce colloque remonte à 2018, alors que l’association Nariké M’sada faisait signer à toutes les collectivités de l’île la déclaration de Mayotte. Et ce, avant de convaincre le département l’année suivante de signer la déclaration de Paris, permettant ainsi à Mayotte d’entrer dans les Fast-Tract Cities, les territoires sans Sida. Alors seul département d’Outre-mer à s’être engagé dans la démarche, Mayotte était suivie le même jour par la ville de St Denis à La Réunion. Il s’agissait à partir de là, comme nous l’explique Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association, de lancer le dispositif Mayotte sans sida. Un Copil a donc été mis en place, dont résultait le besoin impératif de procéder à un diagnostic sur le territoire. Et ce, décliné en 5 axes : la prise en charge médicale du VIH et des personnes vivant avec le VIH, la politique sanitaire ( le diagnostic fait par l’ARS le département et la CSSM), le recueil des données épidémiologiques de Santé Publique France, la prévention faites par les associatifs, et enfin la prise en charge sociale par le département.
« Ce colloque sert de lieu de restitution à ce diagnostic, et c’est sur la base de ce diagnostic que l’on peut situer le contexte, identifier ce qui ne va pas, etc…». Mais non content de mettre en lumière des problématiques sur la santé sexuelle dans le département, les différents acteurs du colloque se devaient d’apporter des solutions concrètes. Le tout constituant les prémisses d’une stratégie et d’une politique partagée par tous, une base sur laquelle va se lancer le dispositif Mayotte sans sida.
De nombreux intervenants étaient ainsi présents lors de ces deux journées, qu’il s’agisse des acteurs de santé locaux ou de spécialistes venus tout droit de l’hexagone. Oppelia, Corevih, Sidaction, ANRS, Société Française de Lutte contre le Sida, Sida Infos… De nombreuses structures représentées ( et d’autres encore) pour deux jours d’échanges constructifs.
Un double avantage que ces spécialistes venus de métropole et d’ailleurs, selon Moncef Mouhoudhoire : « L’idée c’était aussi d’avoir le regard et l’expertise de ces institutions-là, par rapport au contexte qui est le nôtre, au vu de leur expérience, il y a des choses par lesquelles ils sont déjà passés ». Et ce avec l’idée, en filigrane, de « permettre à ces personnes venant d’ailleurs de toucher un peu du doigt la réalité de notre territoire. De Paris, on a une vision de Mayotte qui peut être incomplète. C’est plus concret, ça affine le regard ».
Et en effet, c’est ce que semble confirmer Camille Spire, présidente de l’association AIDES : « Quand on arrive sur place on se rend compte vraiment des problématiques, honnêtement à distance je ne me rendais pas compte ». Une prise de contact éclairante avec le territoire donc, dont elle a salué l’implication des personnels soignants, du médico-social, des associations… Et ce tout en admettant qu’ils « pallient à la défaillance de l’Etat ». « Je trouve que c’était très bien que les personnes soient là, le département, les élus, les maires… Mais il faudra qu’ils se coordonnent pour travailler tous ensemble. On en est aux bases du constat. On est tous assez gentils mais dans un an, il faudra demander des actes ». Et Mme Spire n’oublie pas de souligner les interrogations persistantes qui peuvent entraver les actions de santé sexuelle, à savoir les zones de non droit, la précarité… ».
Autant de difficultés que le Pr Francois Dabis, Président du comité de pilotage de la deuxième feuille de route 2021-2023 de la stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive, a également relevé.
Chargé de présenter les conclusions du colloque, le professeur Dabis nous explique que la première d’entre elles, c’est la logique de la stratégie nationale lorsqu’elle s’applique à Mayotte.
Pour rappel, les 28 mesures de la stratégie se sont vu ajouter deux mesures particulières pour tous les DOM et ROM, ainsi qu’une mesure en plus, spécifique à chacun. Et à Mayotte, il s’agit de « renforcer tout ce qui va accompagner la contraception ». Sa deuxième conclusion, c’est qu’il y a sur le territoire mahorais « un tissu d’associations, d’acteurs de la santé publique et d’institutions, un ensemble qui semble assez adapté pour appliquer cette stratégie ».
Enfin, dernière conclusion : « Bien sûr ce sera difficile ici pour les raisons évoquées ( ndlr contexte démographique, conditions socio-économiques, immigration forte, couverture sociale, etc…), mais les besoins sont très importants. Mayotte peut compter sur l’appui national interministériel, mais peut aussi compter sur les acteurs de la société civile ».
Des difficultés majeures certes, mais le colloque atteste d’un réel engouement et d’une vraie mobilisation en ce qui concerne la santé sexuelle du département. Et tous semblent s’accorder à dire que ces deux jours de rencontre s’imposaient comme la première pierre d’un vaste édifice à construire. Ou comme le dirait Moncef Mouhoudhoire, « ce colloque se veut un diagnostic qui nous permettra de faire le point depuis toutes ces années jusqu’à aujourd’hui et savoir où est-ce que nous voulons aller ». Objectif atteint, donc.
Mathieu Janvier
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