Quand un rapport de la Chambre régionale des comptes se conclut par « la commune doit veiller à offrir aux élus d’opposition une plus large part d’expression » – ce qu’elle fait depuis dans sa gazette – c’est que l’essentiel est acquis.
L’essentiel c’est selon la synthèse du rapport, « une situation financière excédentaire en dépit d’un effort soutenu de dépenses d’équipement ». Tout est dit ou presque en une phrase, les recettes couvrent les dépenses de fonctionnement de manière telle qu’une épargne est dégagée, permettant « de très nombreux investissements ». Avec un point de vigilance, le niveau modeste de l’épargne, « bien en deçà des besoins », compte tenu « des projets d’investissement à réaliser ».
C’est à dire que la barre est haute : sur 24,8 millions d’euros de dépenses d’équipement entre 2016 et 2020, 80% ont été exécutées sur deux ans, de 2018-2020. Ce qui représente 787 euros dépensés par habitant en 2019, « des montants très supérieurs à ceux constatés au niveau national », pour des communes similaires. Il faut dire que les besoins sont immenses pour rendre la vie quotidienne des administrés agréable à Mayotte. Ces dépenses en équipements sont d’ailleurs « les plus élevées des communes mahoraises en 2018 ».
A la tête de cette commune, Ali Moussa Moussa Ben, dont c’est le 2ème mandat. Dès son élection en 2014, il choisit son DGS, François Delaroque, avec qui il travaillait au Syndicat des Eaux. Ce dernier y était ingénieur-chef de projets. C’était la belle époque du SIEAM présidé par Maoulida Soula. Et le tandem Moussa Ben-Delaroque a traversé les épreuves puisqu’on les retrouve aux manettes en 2022. « Et j’espère que vous nous retrouverez en 2026 ! », ironise François Delaroque, que nous avons contacté. Ensuite, ils ont recruté des compétences. Lors de l’audit, les magistrats ont glissé au maire, « vous avez mis des personnes sûres aux postes clefs ». En matière de clefs, il ne faut pas chercher plus loin celles de la réussite.
Jamais mieux servi que par soi-même… surtout quand on est seul
Ensuite, il faut se doter des documents adéquats. Si la commune s’appuie sur des recettes fiscales en augmentation et bénéficie de financements conséquents pour investir dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la résorption de l’habitat insalubre ou encore de la sécurisation des biens et des personnes, il lui est reproché de ne pas avoir de comptabilité d’engagement. Ce que commente le DGS : « En réalité, nous l’avons déjà puisque le budget est défini avec des crédits inscrits. Pour éviter les possibles dépassements, nous nous sommes engagés à mettre en place à 100% cette comptabilité d’engagement ».
Contrairement aux communes de l’Hexagone, à Mayotte, les recettes ne viennent pas majoritairement des impôts, en raison de l’assiette réduite de contribuables, mais de l’octroi de mer, « qui nous a progressivement été allouée à partir de 2010 dans son intégralité, nous octroyant davantage de marges de manœuvre ».
Ce que la CRC résume par de « très nombreux investissements prévus », ont été rendus nécessaire tant que la commune était seule, et que l’intercommunalité n’avait pas investi ses champs de compétence. La CC Sud créée en 2016, mais réellement opérationnelle depuis 3 ans, les récupère peu à peu. C’est d’ailleurs le maire de Bandrélé qui la préside. « Nous travaillons en bonne intelligence avec la communauté de communes. Nous avons décidé de terminer les investissements en cours, comme la halle de pêche, ou l’aménagement de Musicale Plage, et ensuite, nous les lui rétrocédons. Le sentier de randonnée en fait parti, relevant du secteur touristique. Cela va permettre à la commune de se recentrer sur ses compétences. »
Mais à Mayotte, il faut savoir élargir ses propres compétences aux secteurs non réalisés par ceux qui en ont la charge : c’est le cas de la station d’épuration, qui relève du Syndicat des Eaux et d’Assainissement, un domaine que les deux hommes connaissent bien, et d’une grosse opération de rénovation d’habitat insalubre à Mtsamoudou, etc.
En conclusion de l’audit, les magistrats ont lâché, « bon, donc il n’y a pas de fatalité, c’est possible de bien administrer une collectivité à Mayotte ! »
Anne Perzo-Lafond
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