C’était ce mardi la présentation du projet du premier budget de la mandature de Ben Issa Ousseni. Théoriquement, aucun abus révolutionnaire à en attendre, le président était auparavant en charge des Finances sous l’ère Soibahadine. N’empêche qu’avec l’annonce de la gratuité de la barge pour les piétons, l’élu imprime sa patte.
Le tout nouveau cinéma Alpa Joe, pas encore inauguré, accueillait les élus pour une séance essentielle : le bouclage du budget prévisionnel 2022. Celui-ci a commencé par un Débat d’Orientation Budgétaire, qui s’est tenu en février 2022, “tardif” souligne le Conseil économique, social et environnemental (CESEM) qui rappelle qu’il doit avoir lieu avant la fin de l’année précédente. Il se poursuit par la publication du Compte administratif, actant les résultats financiers, pour élaborer le budget primitif 2022, fixant les capacités de dépenses et les recettes de l’année à venir.
Les orientations de dépenses et de recettes sur une année, et plus largement sur les 6 ans d’une mandature, dépendent du président et des élus qui l’accompagnent. Avec quasiment une lettre de mission. Le précédent exécutif avait hérité d’un conseil départemental fortement déficitaire, -37 millions d’euros en 2015, l’objectif du président Soibahadine Ramadani avait été de contrôler les dépenses de fonctionnement, ce qu’il a mené à bien livrant une situation excédentaire en 2021 à la nouvelle équipe, + 51 millions d’euros. C’est aussi son équipe qui a lancé une vraie politique d’action sociale, le cœur de l’action du CD. Par contre, sans doute traumatisés par des années de disettes, ils avaient peu investi.
Les élus actuels ont donc hérité d’une situation financière assainie, mais qui garde les mêmes fragilités. Le budget 2022 se monte à 456,5 millions d’euros, qui se décompose en 300,5 millions d’euros en fonctionnement et 156 millions en investissement.
25 millions pour le STM
Déjà, on note qu’à la fin de l’année 2021, l’excédent de 51 millions d’euros est de 5 millions inférieur en 2020, et malgré des recettes en hausse. Cela s’explique selon Tahamida Ibrahim, Chargée des Finances, notamment par une augmentation des charges à caractère générale, « liée à l’accroissement du coût des transports scolaires passé de 30 millions d’euros en 2021 à 39 millions cette année ». Ces dépenses sont consacrées à 41% à la masse salariale. Elle est en moyenne de 30% en France, mais à Mayotte, l’indexation des salaires participe à cette surcharge.
Les recettes de fonctionnement ont augmenté sous l’effet des contributions indirectes et des dotations de l’Etat.
Les conseil départemental provisionne en cas de coup dur en matière de créances qui ne lui ont pas encore été payées, 5 millions d’euros (soit 15 millions en comptant les années précédentes), et toujours pour la résiliation de la DSP du port de Longoni en 2013, géré alors par la CCI, qui leur aura couté 8 millions d’euros en tout. Une subvention de 869.000 euros a été attribuée au GIP l’Europe à Mayotte dans le cadre de la cogestion avec la préfecture.
Deux services du Département possèdent leur propre budget. Le STM, Service des Transports Maritimes, éternellement déficitaire puisque le CD y joue un rôle social, en comblant le déficit à hauteur de 12 millions d’euros, qui ne va pas s’arranger avec la décision de la gratuité des barges avant la fin de l’année 2022. Mais il fait un trait sur des recettes de seulement 100.000 euros sur ce poste, nous a-t-on assuré. L’investissement dans les deux nouvelles barges nécessite une subvention de 13 millions d’euros, votée également ce mardi, qui devrait être partiellement remboursée par les fonds européens.
L’autre service, c’est celui de la Santé Protection de l’enfance (SPE) qui possède également un budget annexe, à la demande de l’Etat en 2017 qui ne voulait pas voir ses dizaines de millions de compensation partir dans le budget général. C’est bon de voir que le président Ousseni poursuit sur cette ligne, lui qui n’était pas très chaud à l’époque pour conserver ce budget en marge. Il en va de la pérennité de la compensation de l’Etat, qui va arriver à terme en 2023, mais qui devrait être reconduite avec le prochain Schéma de l’Enfance et des familles.
Diversifier les recettes
Une occasion pour Tahamida Ibrahim de souligner « l’inadéquation entre les transferts de compétences de l’Etat et les dotations attribuées ».
C’est une des données des années à venir : rendre les recettes dynamiques. L’équipe sortie des urnes est à une période charnière : impulser le nouveau projet de mandature 2021-2027 et préserver les fondamentaux des finances, avec les acquis de l’exécutif précédent.
Or, les dépenses de fonctionnement, notamment les transports scolaires, augmentent, ainsi que les dépense d’investissement, dont les détails sont donnés par le CESEM : frais d’études pour 17 projets structurants, 8M€, subventions aux communes et aux entreprises, 55M€, travaux du quai n°1 au port de Longoni, pistes et électrification rurales, entretien des routes départementales, équipements sportifs, raccordement numérique, etc., 400M€. Auxquels il faut rajouter les 14M€ alloués au STM et la même somme à la SPE.
En face, les recettes semblent rigides, selon le CESEM, « elles se limitent à deux sources : les subventions reçues de l’Etat et de l’UE, 16 M€ prévus en 2022, et le Fonds de compensation de la TVA, 9 M€. Avec « 25 M€ par an de recettes réelles », le CESEM estime que le Département a des ambitions d’investissement totalement déconnectées de ses capacités de financement ».
Et au regard des besoins immenses en équipements structurants, invite le Département exiger des compensations de l’Etat à la hauteur de l’évolution du montant lié à ses compétences.
Mais en dehors de cet axe, rappelons que l’épargne dégagée doit permettre d’enclencher des bras de levier notamment vers les fonds européens, en vue d’investissements pourvoyeurs de recettes.
Anne Perzo-Lafond
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