« Je suis extrêmement heureux et extrêmement inquiet d’être devant vous aujourd’hui ». Les acteurs du monde social et de l’éducation se sont pressés dans le grand amphithéâtre du CUFR de Dembeni où les paroles introductives de Philippe Meirieu, président national du CEMÉA et pédagogue, n’ont pas manqué de donner une tonalité solennelle à cette conférence de clôture des Assises de la parentalité.
Changer de modèle partenarial
« Extrêmement inquiet, compte tenu des spécificités de Mayotte en termes de contexte socio-économique, l’île vit des situations tragiques à certains égards », a poursuivi Philippe Meirieu. Si la conférence ne consistait pas à aborder la problématique de la violence de manière frontale, elle n’a pas pour autant éludé les échanges qui se sont tenus lors des tables rondes au cours des matinées de ce lundi et mardi.
Le président du CEMÉA de Mayotte Actoibi Laza s’est félicité de « la mobilisation du public tout au long de ces Assises de la parentalité » dont « l’objectif était de réunir en un même lieu tous les acteurs concernés pour que chacun puisse s’identifier, se connaître, échanger leurs analyses ». Comme l’a souligné Philippe Meirieu au cours de sa présentation, « le partenariat juxtapositif, qui consiste à juxtaposer les mesures d’aides, génère des effets pervers avec un manque de coordination entre les dispositifs, une absence de mutualisation des efforts, une perte de temps ainsi que le renforcement du sentiment victimaire ou, au contraire, le placement des personnes aidées en situation de toute-puissance ». Au regard des échecs d’un tel partenariat, l’intérêt des Assises de la parentalité consistait donc à amorcer la construction d’un partenariat davantage interactif favorable à la « mise en synergie des différentes analyses et outils d’intervention ».
Éduquer et émanciper en tenant compte de la pluralité des êtres
Qu’il s’agisse des parents, la famille au sens élargi, l’école ou encore les tiers lieux de
socialisation pour l’enfant, tous ont un rôle à jouer dans son apprentissage. D’ailleurs, Philippe Meirieu n’a pas manqué de rappeler que « ce qui fait loi à l’École, ce n’est pas le sentiment, mais l’exigence de précision, de justesse et de vérité. Respecter les règles de l’école ce n’est pas renier les règles de la famille, nous sommes des êtres pluriels ».
Cette notion de la pluralité des êtres a été soulevée à plusieurs reprises, que ce soit par le pédagogue ou par le public au moment des questions réponses, en parallèle de celle de l’essentialisation. « Cessons de stigmatiser les enfants comme délinquants et les parents comme démissionnaires », s’est émue une participante au micro avant de préciser que « ce ne sont pas les gendarmes avec des lacrymaux qui vont éduquer nos enfants mais les enseignants ». Un autre membre de l’audience a mis en avant que « les parents ne sont pas démissionnaires, ils sont débordés, dépassés ». Une inquiétude qui fait écho à une autre : la confrontation entre modernité et tradition. L’occasion pour le pédagogue de revenir sur la notion d’éduquer « transmettre le monde à ceux qui viennent », et celle d’émanciper « qui doit permettre à chacun de savoir d’où il vient et de décider où il va ».
Des actes qui se font encore attendre
Si ces Assises ont permis d’établir un temps de parole et d’échanges avec l’ensemble des acteurs concernés par la question de la parentalité, quelles actions vont être entreprises pour concrétiser les mots en actes ? « Il faut prendre rendez-vous avec les élus et les partenaires institutionnels. Une fois ces rencontres effectuées nous pourrons mettre en œuvre un plan d’actions à destination du public le plus fragile » a détaillé Actoibi Laza indiquant « qu’à l’issue de ces Assises nous n’avons pas la réponse à toute la problématique » avant de conclure, « il faut donner aux enfants des actes et non seulement des paroles. Il faudra tenir nos promesses ».
Pierre Mouysset
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