Les autorités judiciaires comoriennes ont inauguré vendredi 27 mai une salle d’audition flambant neuve à la gendarmerie nationale à Moroni. Une cérémonie dédiée à cet évènement a été organisée en présence de l’ambassadeur de France aux Comores, Sylvain Riquier et des associations de défense des droits de l’enfant.
Rassurer les mineurs pendant les interrogatoires
Le ministre de la Justice, Djaé Ahamada Chanfi, le délégué à la Défense, Youssoufa Mohamed Ali, le commandant de la gendarmerie nationale, Ramadani Mdoihoma, et la présidente de la Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés (Cndhl), Mme Sittou Raghadat Mohamed, ont salué “une avancée majeure”. Les auditions des mineurs se faisaient, jusqu’ici, sans un dispositif propre permettant de rassurer le mineur pendant l’interrogatoire.
Le commandant de la gendarmerie a estimé que les services de police judiciaire avaient besoin de conditions idoines pour bien interroger les enfants victimes d’abus de toute sorte. “Il nous a paru important et nécessaire d’améliorer les conditions d’audition des mineurs victimes, à travers la mise en place de salles adaptées à des auditions d’enfants mineurs”, a déclaré Ramadani Mdahoma.
Le gouvernement comorien s’est mobilisé ces dernières années contre les agressions sexuelles perpétrées contre les enfants. Le pays dispose déjà d’un tribunal spécial pour enfants mis en place grâce à un appui de l’Unicef. Un quartier général dédié aux mineurs a été inauguré récemment à la maison d’arrêt de Moroni. Les salles d’audition pour enfant participent à cet élan d’amélioration du service public de la justice. “Un tel dispositif d’accueil judiciaire, apparait comme l’un des dispositifs les plus adaptés à la prise en charge des mineurs victimes. Un lieu neutre, chaleureux, qui facilite un dialogue plus serein, plus facile entre la victime et son interlocuteur”, a indiqué le Délégué à La Défense.
Dans sa politique de soutien de la justice, la France finance de nombreux volets dans son projet intitulé “Appui au secteur de la Justice aux Comores” mis en œuvre dans le cadre du Plan de développement France-Comores (PDFC). Une enveloppe d’environ 2,5 millions d’euros a été allouée à des activités visant à renforcer les capacités de l’institution judiciaire comorienne. Des formations des auditeurs de la justice se poursuivent à Moroni. Objectif : combler le déficit de magistrats. D’autres volets sont annoncés. Il s’agit, entre autres, des formations des greffiers des tribunaux et des officiers de police judiciaire (OPJ).
Améliorer le service public de la justice
La même salle d’audition sera mise en place prochainement dans les deux autres îles d’Anjouan et de Mohéli où l’on assiste une recrudescence des actes de viols contre des mineurs. “Trois salles d’audition ont été programmées dans les trois iles au sein des locaux des Groupements de la Gendarmerie nationale. Et ceci grâce à l’appui financier de l’ambassade de France en Union des Comores”, a-t-il annoncé.
Les Comores disposaient, jusqu’ici, des Services d’écoute mis en place dans les trois îles pour faire front contre les viols sur mineurs et prendre en charge les enfants victimes. “Cette salle permettra de mettre en confiance l’enfant et de lui éviter un énième traumatisme lié aux enquêtes afin de préserver sa santé mentale et sa dignité durant cette épreuve”, a estimé Najda Saïd Abdallah.la présidente de l’association dénommée “Mwana Tsi Wamdzima” (litt. L’enfant n’appartient pas à une seule personne).
Les cas d’agressions sexuelles contre les enfants et les femmes sont en nette augmentation. Les services de la gendarmerie ont annoncé 297 agressions sexuelles dont 170 à la Grande-Comores, 78 à Anjouan et 49 à Mohéli pour la seule année 2021. En 2020, 219 victimes d’agressions sexuelles dont plus de 60% d’enfants. Des chiffres sous-estimés, d’après les associations de défense des enfants qui évoquent le poids de la tradition.
Les familles préfèrent, soit étouffer l’affaire pour protéger l’enfant, soit régler les cas à l’amiable. Les nombreux cas portés devant les tribunaux se soldent par une condamnation mais les auteurs bénéficiaient souvent d’une complicité d’évasion. Mais la justice vient de serrer la vis contre ces délinquants sexuels dont certains purgent leurs peines actuellement dans les prisons du pays alors que d’autres sont toujours en attente de leurs procès.
A.S.Kemba, Moroni
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