Des années qu’on agite au-dessus de notre territoire la menace d’une réglementation en cas de persistance d’un mix énergétique défavorable aux énergies renouvelables, et des années, que ces dernières plafonnent à 5%. Nous avons mis un voile pudique sur les 50% d’énergie renouvelable dans le mix énergétique (part d’énergie renouvelable dans la production) prévue en 2020 dans les outre-mer. Malgré tout, d’autres territoires comme La Réunion ont fait progresser d’un coup leur modèle. Stagnant pendant longtemps à 30%, la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) annonce 99,7% d’énergie électriques en 2023.
A Mayotte, chacun devait y mettre du sien, les blocages étaient pluriels. Mais la situation se verdit, à entendre les acteurs de l’énergie. Les médias étaient conviés au cœur du plus gros consommateur de gasoil de l’île, la centrale de Longoni, pour prendre connaissance des projets menés dans ce domaine. « Nous voulons faire du renouvelable, et notamment du local, pour se rapprocher de l’objectif des 50% en 2025… on en est très loin », Mamadou Fofana, Chef de projet du secteur énergies renouvelables, posait les enjeux.
Tout d’abord, les panneaux photovoltaïques gagnent du terrain, envahissent les toits des bâtiments, et permettant de lancer la nouvelle centrale photovoltaïque en autoconsommation à la centrale de EDM à Longoni.
Mayotte et le photovoltaïque, c’est du « je t’aime, moi non plus ». Sur ce territoire où l’astre brille en continu en dehors des trois mois de pleine saison des pluies, il aurait dû faire basculer le fameux mix à l’avantage des énergies renouvelables. Mais c’était sans compter la législation qui a fait du yoyo. Du démarrage en trombe en 2009, le photovoltaïque se fait plus discret ensuite, « la tarification du rachat de l’électricité étant passée de 40 centimes à 19 centimes, ce qui a freiné le déploiement ». Depuis 2019, c’est reparti, « en raison de la baisse des prix des matériaux ».
La méga batterie n’est plus une Arlésienne
Mais le tarif de rachat continue de fluctuer tous les trimestres, fixé différemment en fonction des départements par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), « ça reste compliqué pour les solaristes d’avoir un modèle économique fiable ».
Pour autant, les ambitions ne mollissent pas, « nous envisageons d’atteindre les 4 mégawatts en 2023. Il faudra pour cela atteindre notre objectif de 2,3 MW cette année, ce qui n’est pas fait », commente le Chef de projets.
Aujourd’hui, l’île peut compter sur 130 centrales photovoltaïques raccordées au réseau. Insuffisant apparemment pour faire décoller la part d’énergie renouvelable. Le projet de la centrale photovoltaïque en autoconsommation est donc la bienvenue, « elle apporte 200kw de puissance fournie, donc on améliore le coût d’exploitation, et tout est consommé sur place. Rien n’est réinjecté dans le réseau. » L’investissement de 645.000 euros a été financé à 60% par le FEDER, et le reste par l’ADEM et de l’autofinancement.
Le secteur du solaire va être boosté par l’installation d’une méga batterie, fabriquée par SAFT Bordeaux, « c’est Albioma qui le met en service en septembre, indique Claude Hartmann, directeur de EDM, ça va permettre d’utiliser 7 MW d’énergie stockée grâce au photovoltaïque à un moment où il n’y a plus de soleil, la nuit par exemple, pour faire tourner un moteur de la centrale. » Dix ans qu’on attendait de pouvoir stocker cette énergie volage.
Et EDM veut faire feu de toute toiture. « Nous démarchons les municipalités pour qu’elles nous proposent des emplacements pour les panneaux solaires, notamment lors des constructions ou de rénovations d’écoles, comme à Mamoudzou », indique Magoma Echat, directrice territoriale. Mais sur un territoire exigu, les marges d’évolution sont moindres, « nous avons identifié 300 sites, mais nous sommes en fin de prospection. Nous attendons des constructions de bâtiments neufs », renchérit Mamadou Fofana.
Les élus dans les champs de colza
C’est que tout le foncier n’est pas attribuable sous peine de recouvrir le territoire de panneaux, « seuls certains sites sont autorisés. » Un projet innovant est en cours, « un couplage avec une serre agricole ».
L’acteur indissociable qu’est le conseil départemental, notamment pour sa Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), semble mobilisé, et était largement représenté ce lundi. Aux côtés de la présidente du conseil de surveillance de EDM, Echati, le 1er vice-président en charge du secteur, Ali Omar, reconnaissait que l’absence d’adoption du PPE jusqu’à présent avait été un frein, « nous allons le valider cette année, pour rattraper notre retard sur la transition énergétique ». Or, nous expliquait-il, cela conditionne la position de la CRE, qui délie ou pas les cordons de la bourse.
Ce qui incitait l’élu à évoquer leur déplacement en Mayenne pour l’autre grand projet d’EDM, le biocarburant pour alimenter les deux centrales, celle des Badamiers où un test grandeur nature est en cours sur un moteur, mais aussi celle de Longoni. C’est l’huile de colza qui est visée. Une délégation de la direction d’EDM et du CD a visité l’usine de Saipol en Mayenne, le leader français de la transformation d’oléagineux, « ils produisent 250.000 tonnes, nous en avons besoin de 100.000 pour les deux centrales », dont un quart pour les Badamiers qui doit démarrer la production d’électricité grâce à ce biocarburant. « Nous n’aurons donc pas à fermer la vétuste centrale de Petite Terre, ce sont 50 emplois qui sont ainsi préservés ». Pour démarrer, il faut adopter le PPE, « ça a pris du retard car le gouvernement nous incite à le prolonger jusqu’à la fin de la mandature. Nous ne sommes pas contre », nous confiait Ali Omar.
Un projet qui va verdir les carburants de Mayotte, et EDM va en avoir besoin, qui va être sollicitée avec la projection sur les véhicules électriques à horizon 2035 !
Anne Perzo-Lafond
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