Malgré une matinée déjà bien avancée, les sacs en jute et les saluvas improvisées en filets remplis de bouteilles en plastique ne désemplissent pas devant la devanture de ce petit commerce indépendant de Dembéni. « Ce douka fait partie des huit points de collecte du territoire de la CADEMA », explique Anne-Sophie Duroisin coordinatrice au sein de l’entreprise LVD Mayotte Environnement. Si pour l’heure, les opérations de collecte sont suspendues à Tsararano et Hajangoua, les rendez-vous hebdomadaires à Vahibé, Doujani, Mtsapere, Ongoujou ainsi qu’à Dembéni et Kaweni sont toujours d’actualité.
Une expérimentation qui porte ses fruits
Soutenues par la Communauté d’Agglomération Dembéni-Mamoudzou et Citeo, ces opérations de collecte ont pour but de valoriser les bouteilles en plastique vide pour éviter qu’elles ne se retrouvent enfouies à Dzoumogné, ou tout simplement jetées dans la nature. « Sachant qu’il y a des quartiers où les camions poubelles ne peuvent accéder, on ne peut pas placer de trios (ndlr les conteneurs de tri sélectif). Trouver une solution de proximité s’imposait », précise la coordinatrice.
Pour parvenir à l’organisation désormais déployée, l’entreprise LVD Environnement Mayotte a lancé une enquête de prospection en mars 2021 afin d’identifier les doukas qui serviraient de points de collecte. Si au départ 80 commerces ont été recensés, in fine, seuls 8 ont été retenus pour mener l’expérimentation. Ainsi entre août 2021 et juin 2022, plus de 11 tonnes de bouteilles en plastiques ont été collectées et envoyées au centre de tri de Longoni. « La CADEMA a souhaité que l’on poursuive durant les vacances scolaires pour garder les liens avec la population », informe Anne-Sophie Duroisin.
Un processus de collecte rodé
Comment expliquer l’engouement suscité par ce dispositif au regard des 1000 personnes qui toutes les
semaines viennent déposer leurs bouteilles en plastique dans les points de collecte de la CADEMA? « Pour chaque 5 kilogrammes de bouteilles en plastique rapportés, la personne a droit soit à un paquet de couches pour bébé, soit à un paquet de savon, soit à des serviettes hygiéniques », détaille la coordinatrice.
Ainsi, une fois le contenu pesé, l’usager s’enregistre auprès de Soifia, la responsable médiation et assistante administrative. Un bon lui est alors remis pour récupérer auprès du commerçant le produit souhaité. « Les récompenses sont financés par la CADEMA et Citeo auprès du commerçant », informe la coordinatrice, avant de souligner qu’« au début on avait parfois à faire à des comportements de fraudes avec des bouteilles lestées de cailloux, de terre ou encore avec de l’eau ». Toutefois, précise-t-elle, « notre équipe a redoublé de vigilance ».
L’environnement, le social et l’économie
Si ces opérations de collecte incluent indéniablement une composante environnementale, elles n’en comportent pas moins une dimension sanitaire et sociale. « Nous avons un partenariat avec l’Agence Régionale de Santé et la Croix Rouge qui ont formé nos agents de médiation sur la santé et l’hygiène », se félicite Anne-Sophie Duroisin. Ainsi, durant la saison des pluies, les agents sur les points de collecte font de la prévention face aux risques que représentent les moustiques et les moyens de s’en prémunir.
En outre, ces collectes dynamisent également le tissu économique local. Tout d’abord en créant de l’emploi puisque l’entreprise qui les gère est dans l’insertion sociale. Les agents de collecte et de médiation employés sont ainsi en mesure de suivre des formations auprès de centres agréés. « On travaille aussi avec les commerçants pour les accompagner dans la production de factures, car certains au départ ne savaient pas comment faire », souligne-t-elle. Un moyen d’assurer aussi « une montée en gamme du tissu économique de proximité ».
Quid de l’avenir de ce projet ?
Quelle suite donner à ce dispositif qui semble porter ses fruits ? « La CADEMA doit valider le projet en commission. Il va être étudié cet après-midi même et nous aurons un retour dans les prochains jours », affirme la coordinatrice, avant de conclure « si le projet s’institutionnalise, l’objectif est d’arriver à 16 points de collecte ». Une aubaine pour l’environnement, les emplois d’insertion et en définitive pour le mieux-vivre des habitants de la CADEMA.
Pierre Mouysset
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