En juillet dernier, la préfecture a publié le baromètre semestriel de la délinquance de janvier à juin 2022 à Mayotte, révélant que cette dernière avait bondi de 14,99 % par rapport à la même période en 2021. Pourtant, comme en atteste le ministre, « il y a une augmentation très forte, en effet, des effectifs de police », précisant qu’il a lui-même « en venant, évoqué, un quatrième escadron de gendarmerie mobile » sur le territoire du 101e département. Un effort qu’il qualifie de « sans précédent » dans la mesure où Marseille, à titre d’exemple, est dotée de « trois escadrons de gendarmerie mobile » pour une population bien moindre.
Face à la délinquance, la réponse vient de la justice
Le ministre Gérald Darmanin n’a pas manqué de préciser, pour étayer son propos sur la délinquance que « les policiers et les gendarmes sont des auxiliaires de justice ». Or cette dernière rencontre actuellement deux problématiques majeures. D’une part, la surpopulation carcérale du centre pénitencier de Majicavo d’où la nécessité de « construire très vite une deuxième prison ici à Mayotte », et d’autre part le phénomène de délinquance perpétrée par des mineurs. Cette situation ne permet pas à la police ou la gendarmerie d’envisager les mêmes stratégies d’approche qu’avec des individus majeurs.
Afin de faire face aux jeunes armées, le ministre a indiqué avoir contacté « le directeur général de la police nationale » afin qu’il étudie « la possibilité d’utiliser des armes intermédiaires » pour accroître le nombre d’interventions. Par ailleurs, concernant le volet justice, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a indiqué que « nous prendrons des décisions très fortes […] pour que l’on puisse condamner des enfants de 9, 10, 11, 12 ans non pas à aller en prison qui est l’école du vice à cette âge-là, mais d’aller dans des lieux spécifiques ». Sur ce dernier point, il n’a pas manqué de saluer « la très bonne nouvelle du centre éducatif fermé qu’a annoncé le garde des Sceaux juste avant ma venue ». Ainsi, contrairement à aujourd’hui où « les magistrats les libèrent parce que l’on ne met pas des enfants en prison », le centre éducatif fermé offrira, certes « un lieu de sanction », mais également « d’éducation » voire de « rééducation ». Mais c’est sur la question de l’immigration que le ministre s’est le plus longtemps étendu.
Réduire le délai d’instruction des dossiers de demande d’asile, une gageure
Outre l’annonce du ministre dans les colonnes du Journal Du Dimanche concernant l’évolution du droit du sol avec « l’un des deux parents [d’être] régulièrement depuis plus d’un an sur le territoire [de Mayotte] afin que leur enfant soit reconnu comme Français » sur laquelle nous revenions hier, Gérald Darmanin a fait savoir sur les réseaux sociaux qu’il souhaitait « également lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, en centralisant l’établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité dans la seule commune de Mamoudzou ». Par ailleurs, le ministre entend allonger « de 2 à 3 ans la preuve de la contribution effective à l’entretien de l’enfant pour les demandeurs de titres ‘parents d’enfants français’ ».
Au regard des récentes manifestations des demandeurs d’asiles originaires des pays de la
région de l’Afrique des Grands Lacs, le ministre entend réduire le délai de traitement des dossiers. Aujourd’hui réduit à un an contre deux auparavant, la situation reste néanmoins insatisfaisante, le ministre reconnaissant qu’« un an c’est toujours beaucoup trop long pour le demandeur d’asile qui souhaite sortir de cette situation de précarité […] comme pour l’Etat qui ne peut pas continuer à avoir des procédures aussi longues ». Pour tenter de poursuivre la réduction de ce délai et « de pouvoir être plus rapide dans l’accueil et dans l’accompagnement », il a été décidé d’installer une antenne de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sur le territoire mahorais.
Mais cette réduction du délai d’instruction des dossiers est aussi affaire de réduction des procédures. Certes, s’il y a « des difficultés dont on sait très bien que les personnes sont davantage pourchassées pour leurs orientations sexuelles, pour leurs opinions politiques, pour leurs opinions », il est des cas où la situation est moins avérée compte tenu de l’origine du pays. Ainsi, le but du projet de loi immigration est d’améliorer la distinction entre ces deux cas de figures. Le ministre n’a pas manqué de préciser que concernant l’Afrique des grands Lacs, « le terrorisme islamiste est très fort, et donc on doit étudier les demandes d’asile ici à Mayotte, moi je le dis avec vérité même si cela peut poser des problèmes par ailleurs ». Cependant concernant les Comores, il entend faire part de son étonnement « quand on voit des demandes d’asile qui viennent » de l’archipel.
Un retour aux frontières plus efficace
Grâce à la signature d’une convention internationale, le « préfet depuis quelques semaines » est désormais en mesure de pouvoir « parler directement avec les Etats africains sans passer par Paris, sans passer par les ambassades à Paris ». Le ministre précise que cette initiative « commence à démontrer son efficacité ». Par ailleurs, si en métropole le retour aidé fait partie des prérogatives de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, à Mayotte une autre disposition sera étudiée à savoir l’engagement de l’OFII « à payer l’insertion de la personne pour qu’elle trouve un avenir dans son pays » en travaillant de concert avec les associations « en lien avec les Etats africains ». Cette disposition « très originale », selon les mots du ministre, signée il a de cela quelques jours, permettra de « donner un espoir à ceux qui repartent dans leur pays » d’autant que « s’il n’y a pas de développement des pays tiers, nous allons vivre une augmentation dans les émigrations ».
Autant de sujets dont les résultats s’inscrivent incontestablement dans la durée et dont l’effet ne sera observable qu’à moyen voire long terme. Un effet d’hystérèse qui demande incontestablement la sagesse de la patience.
Pierre Mouysset
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