Quasiment 10 ans depuis que le préfet Witkowski avait constaté la construction d’une seule salle de classe, en s’interrogeant avec humour sur l’éventualité que ses robinets fussent en or… Depuis, la dissolution du Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte (SMIAM) a été prononcée en 2014, ce qui ne voulait pas dire qu’il disparaissait. Car il fallait que ce bel outil, mais détourné (son président d’alors était condamné pour délit de favoritisme à de la prison avec sursis), rende à chaque commune les infrastructures qui lui appartenaient.
A sa naissance en 1979, le SMIAM a tout pour séduire et prédire un bel avenir aux constructions scolaires et aux aménagements sportifs, ces deux cibles. Il peut compter sur deux autres piliers, la coopérative « La Musada », qui importait les matériaux, et la Société Immobilière de Mayotte (SIM), concevait l’habitat. Dirigé par un visionnaire, feu-Zoubert Adinani , la structure a aménagé les voies de communication reliant les villages et finançait les 1ères barges. Le syndicat participera fortement à la construction des dispensaires et de l’hôpital de Mayotte et contribuera à l’électrification et à l’adduction de l’eau potable sur l’île. Sa gouvernance intégrait 21 élus, communaux et départementaux, la DEAL et la préfecture en assistance technique. Toute ressemblance avec la plateforme montée il y a peu pour dynamiser les constructions scolaires n’est donc pas fortuite…
Second plus grand propriétaire terrien de l’île
Le syndicat construira des salles de classe suivant la croissance démographique de la population de Mayotte : 1600 classes sortiront dans les années 80… Mais plus que 30 par an entre 2007 et 2012.
Une belle structure donc, dévoyée depuis. Au cours des 35 ans d’activité, le SMIAM s’est constitué une réserve conséquente de foncier évaluée à 1.500 hectares, « c’est le second plus grand propriétaire terrien de l’île, après le conseil départemental », lâche le Secrétaire général de la préfecture Claude Vo-Dinh, « d’où l’importance de liquider ses actifs ».
Car il faut désormais que le syndicat rétrocède aux communes concernées, leurs bâtis, leurs fonciers, etc. Or, depuis 2014, le SMIAM n’a encore rien cédé, ce qui bloque l’aménagement dans les communes. « La Cour des Comptes a épinglé la structure pour être un frein à l’aménagement et aux investissements », constate Mouslim Abdourahaman, par ailleurs maire de Boueni, élu à l’unanimité à la présidence du syndicat il y a deux ans, « au cours desquels nous avons fait un gros travail. Nous nous sommes donné 3 ans pour liquider le SMIAM, nous sommes dans les délais. »
Des communes privilégiées…
Le SMIAM va dans un premier temps, selon un principe de territorialisation, céder l’ensemble de son bâti aux communes. Un état des lieux datant de 2018 rend compte d’un patrimoine de plus de 550 biens et terrains, dont le bâti est évalué à 61 millions d’euros et un foncier estimé à 362 millions d’euros. 55 % de ses parcelles sont considérées être des terrains nus, 25 % a été utilisé pour l’aménagement des stades de football, 14 % aux écoles et 5 % pour les plateaux polyvalents. « Nous procédons selon 3 étapes, restituer les terrains et bâtis sis sur les parcelle publiques, ce qui ne pose pas de grosses difficultés, restituer ceux qui se trouvent sur les parcelles privées, le plus compliqué en raison des indivisions ou de propriétaire non identifié, puis, en dernier, affecter la trésorerie et le bâtiment du SMIAM ». On sait que le conseil départemental avait des visées sur ce dernier, « les échanges se poursuivent avec les communes. »
La première à en bénéficier, c’est Mamoudzou, et le maire Ambdilwahedou retrace les enjeux : « L’octroi de fonds européens dépend de la maitrise foncière. Sans elle, on ne peut rien développer ». C’est donc les millions de fonds nationaux et européens qui se cachaient derrière la signature du transfert des 45 ha de patrimoine ce vendredi : la quasi totalité des groupes scolaires, 3 équipements sportifs sur 4 sont également concernés et 2 emprises foncières, « l’une destiné à l’ANRU de Kawéni, et au grand stade et à la cuisine centrale, l’autre à Doujani où nous avons notre projet de ZAC dont les travaux devraient commencer dès la fin de cette année », commentait le maire. Il restera 27% d’actifs du SMIAM à transférer.
Après cette grande première, d’autres communes sont sur la liste des bénéficiaires, en sachant que le patrimoine foncier se concentre davantage au Nord-Est de Mayotte (79 %), plus précisément dans les communes de Bandraboua, Mamoudzou et Koungou. Alors que toutes ont contribué financièrement de manière uniforme au syndicat… De là à y voir un outil politique dans les mains de ses dirigeants des différentes époques… « La moitié des communes les moins bien loties concentre à peine 10 % du foncier du SMIAM ».
Si Mamoudzou joue son rôle de locomotive, le reste du territoire fait en effet apparaitre de gros besoins en investissement.
Anne Perzo-Lafond
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