Place de la République en milieu de matinée de ce vendredi, la mobilisation s’est quelque peu tarie au regard des proportions de la veille. Moins d’une cinquantaine de personnes s’y sont réunies. A contrario de jeudi, les orateurs ne se sont pas bousculés pour prendre la parole, délaissant le micro posé tout proche d’une sono ne faisant l’écho que d’une musique couvrant le calme de ce rassemblement.
Si pour les quelques personnes présentes, irréductibles parmi les irréductibles, « il faut poursuivre jusqu’au bout pour savoir ce qu’il en est », la situation semble s’apparenter à un désaveu pour le vice-président du Conseil départemental qui, la veille, avait demandé « à tous les mahorais de descendre dans la rue » en marge de la réunion à la mairie de Mamoudzou.
Le dialogue se poursuit avec le préfet
La poursuite du mouvement n’a d’ailleurs pas été l’option retenue par les participants à cette rencontre. Joint par téléphone, le président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), Madi Madi Souf, a indiqué que les différents acteurs réunis se sont « entendus d’un commun accord pour, a-t-il insisté, suspendre le mouvement ». Un choix de vocabulaire qui n’est pas anodin puisqu’il ne s’agit pas d’annulation. Les écoles, en outre, « reprendront normalement lundi », précisant que « le président du Conseil départemental aussi s’est engagé à mettre les bus dès lundi matin pour le ramassage scolaire ». Dans un communiqué, les maires de Mayotte indiquent en effet que “tous les bâtiments publics, écoles, mairies, EPCI, CCAS, Caisse des écoles et MJC, rouvriront dès ce lundi 19 septembre”.
Le mouvement suspendu à partir de lundi, Madi Madi Souf entend toutefois souligner que ce n’est pas pour autant la fin des discussions avec le préfet de Mayotte. Bien au contraire, ces dernières vont se poursuivre avec notamment la programmation pour le jeudi 22 septembre d’une réunion à Mamoudzou afin de « faire le bilan des deux ans des Assises de la sécurité, voir et compléter ce que nous avions déjà arrêté en 2020 ». Il s’agira ainsi de faire le point sur « ce qui a marché et ce qui n’a pas marché ».
La police bientôt formée au maniement des armes du RAID
Toutefois la satisfaction des mesures annoncées ne semblent pas au rendez-vous. « Satisfait ? Je ne peux pas dire satisfait. Le préfet nous a écoutés et il nous a annoncé certaines mesures que nous connaissons déjà et elles ne portent pas leurs fruits mais il a quand même annoncé certaines choses », concède notre interlocuteur. Parmi ces nouveautés, « la formation de la police au maniement des munitions du RAID », étant l’une
des « choses que nous avions demandée », arguant que « les gaz lacrymogènes ne dissuadent pas les jeunes ; c’est la population qui en subit les conséquences ». Selon le président de l’AMM, « le ministère de l’Intérieur [ayant] donné le feu vert, il y aura une formation dans la semaine qui suit pour l’utilisation de ces munitions ».
En outre, dans le cadre de la réunion de jeudi prochain, il a été convenu que les maires réalisent un inventaire de tous « les quartiers insalubres », « les recenser », afin de les donner au préfet pour envisager une démolition rapide. Il devra être bouclé avant le 22 septembre, pour être remis ce jour de bilan des Assisses de la sécurité. Cet inventaire servira à l’établissement d’un schéma directeur des bidonvilles. L’accélération des décasages fait effectivement partie des demandes des maires adressées au délégué du gouvernement.
Une nouvelle fois, des drones sont annoncés
La justice sera saisie pour expulser les occupants illégaux des terrains municipaux et départementaux, “tout en accentuant la lutte contre tous les marchands de sommeil”, indique encore l’Association des Maires de Mayotte (AMM).
D’autre part, les maires se déplaceront en délégation à Paris pour “sensibiliser la nation sur l’état de violence singulière qui sévit à Mayotte”.
En attendant, trois points seront déterminants dans les rencontres avec le préfet: “l’éradication des bidonvilles”, la gestion des titres de séjour pour lesquels les élus réaffirmeront leur opposition aux titres de séjour territorialisés (qui empêche de quitter Mayotte), et la surveillance des frontières “notamment par des drones”.
Le président du Conseil départemental Ben Issa Ousseni se félicite qu’une issue ait été trouvée, “permettant de ne pas paralyser l’île plus longtemps tout en maintenant l’expression de nos attentes partagées avec la population. Chacun a compris que nul ne souhaite un énième plan, de nouvelles tables rondes mais bien la mise en place de mesures concrètes et mesurables, qui associent l’Etat au premier chef, les collectivités, le collectif et l’ensemble des acteurs de la société civile”.
Pour la première fois, élus et population parlent “d’une même voix”, souligne-t-il, “c’est ce que les mahorais attendent de leurs responsables”. Et souhaite être reçu en délégation d’élus par le président de la République et le ministre de l’Intérieur.
Le dialogue se poursuit donc mais il semble que les mots devront trouver un écho certain dans la matérialisation de futures actions à la hauteur des enjeux du 101e département.
Pierre Mouysset
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