Si Moudjibou Saidi, maire de la commune de Dembéni, a salué « le maintien de cette réunion de concertation » malgré « le contexte de sécurité », il a tenu à rappeler en préambule de cette rencontre que « faciliter l’accès aux soins futurs engage dès à présent une politique ambitieuse ». A ce titre, le Olivier Brahic, directeur de l’Agence Régionale de Santé (ARS) n’a pas manqué de préciser que le PRSM constitue le « fil conducteur de l’agence et des professionnels de santé » pour les années à venir. Il se doit de constituer en quelque sorte « un plan Marshall pour réduire la fracture » de l’offre de soins.
La faiblesse de l’offre de soins pénalise la population
Le docteur Jaouadi est revenu sur le diagnostic de l’offre de soins à Mayotte : « on a la plus faible densité de professionnels de santé ». En effet, selon le rapport d’information du Sénat publié en mars dernier et intitulé « Rétablir l’équité territoriale en matière d’accès aux soins : agir avant qu’il ne soit trop tard », les parlementaires font savoir que le 101e département fait partie des 10 départements les moins bien dotés en médecins généralistes et spécialistes. Si la métropole dispose en moyenne de 132 médecins généralistes pour 100 000 habitants et la Guyane 121, les données pour Mayotte chutent drastiquement à 43 médecins généralistes pour 100 000 habitants. Un désert où l’aridité de l’offre médicale n’est pas sans conséquences sur la population : « un patient mahorais sur 2 renonce à se faire soigner faute de rendez-vous », déplore le médecin.
L’attractivité de l’offre de soin nécessite un véritable travail partenarial
En dépit de la volonté de ne pas « saupoudrer » les efforts, les axes prioritaires qui sont à définir dans le cadre du PRSM devront prendre en considération un nombre certain d’actions afin de résorber cette fracture de l’offre de soins. Et ce, alors même que le second hôpital prévu à Combani nécessitera un personnel qualifié pour répondre au besoin de fonctionnement de l’infrastructure et à la création de nouvelles filières médicales.
Sachant « qu’on ne peut pas créer un vrai projet de santé sans la pérennisation des professionnels de santé », le 7e vice-président du Conseil départemental, Madi Madi Velou, a noté, à juste titre, que la question de l’attractivité n’était pas uniquement « l’affaire du rectorat ou du Centre hospitalier mais aussi du Conseil départemental et des mairies », nécessitant « un véritable travail partenarial ». Cette observation n’est pas sans rappeler l’initiative prise par l’ARS en juin dernier de réunir pour la première fois le Comité Intersectoriel Mahorais pour l’Attractivité, l’Installation et la Pérennisation des Professionnels de Santé (CIMAIPPS). Le directeur de l’ARS avait alors défini son objectif de la manière suivante : « trouver collégialement les leviers nécessaires pour améliorer l’attractivité du territoire auprès du personnel soignant en unissant nos efforts et en définissant une politique proactive ».
Des actions sont d’ores et déjà entreprises
Au cours des échanges avec le public, et au regard des doléances des participants, Olivier Brahic a annoncé que « dès janvier une mission pour améliorer l’ensemble du processus des EVASAM » serait lancée. Par ailleurs, il a noté que l’ARS n’avait pas attendu les travaux préparatoires à l’élaboration du PRSM pour prendre ses responsabilités en matière de renforcement de l’attractivité de l’offre de soins.
Qu’il s’agisse de la création de maisons de santé pluridisciplinaire visant à rompre l’isolement des praticiens libéraux, comme celle de Hauts-Vallons inaugurée en juillet dernier, ou encore les politiques incitatives déployées par le CHM afin d’attirer de nouveaux professionnels de santé avec la mise à disposition de logement ou de véhicule de fonction, ces actions font d’ores et déjà partie des solutions mises en œuvre. Mais d’autres pistes sont à l’étude telles que le développement de la téléconsultation, ou encore la formation de personnels médicaux mahorais afin d’outrepasser la barrière de la langue pour améliorer la prise en charge des patients.
L’accès compliqué à l’offre de soins n’est pas l’apanage de l’île au lagon
Si au cours des discussions, il est ressorti à plusieurs reprises que Mayotte est, au regard de l’offre de soins actuels, un département « sinistré », la problématique de l’attractivité du personnel n’est pas réductible à l’île au lagon. Il « touche la France dans son ensemble » a rappelé Olivier Brahic. Conséquence directe : Mayotte se trouve en concurrence directe avec les autres territoires alors même que sa situation est sans commune mesure avec les autres départements français.
Pierre Mouysset
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