Lorsque le navire affrété par le Conservatoire du Littoral débarque, à force d’allers et retours, les participants de l’opération sur la plage principale de l’ilot (Antakoudja), le paysage qui s’offre à voir de prime abord est à mille lieux de ce que l’on s’imagine dans le cadre d’une telle opération.
« On espère que ce sera un peu durable »
Sur la façade végétale surplombant la plage, un agriculteur s’adonne paisiblement à un brûlis ( évidemment illégal), préparant le terrain pour une probable plantation de bananiers à venir. Une scène d’accueil pour les nombreux navires de loisir, subtile invitation aux contrôles des services de la DAAF…
Partout sur la plage déjà peuplée en milieu de matinée, se multiplient des scènes aux allures estivales, festival d’instants de volupté et de farniente, dans un cadre apparemment idéal. Du sable fin aux jeux d’enfants, rien ne laisse présager de l’ampleur de la pollution latente.
Et ce, parce que depuis le petit matin, de nombreux bénévoles arpentent déjà la plage pour la débarrasser de ses scories anthropiques, des déchets autant amenés par les flots que laissés séant par les visiteurs. Mais sur les hauteurs, où le sable se confond avec les premières strates de végétation, l’îlot laisse à offrir un tout autre visage, et le paradis s’émiette. Canettes, sachets de chips, fer rouillé, bouchons et bouteilles, claquettes et parfois ossements de tortues se partagent l’arrière-plage dans une fresque colorée et odorante. De nombreux morceaux de ferrailles viennent à joncher le sol, derniers stigmates visibles des nombreuses constructions illégales récemment détruites dans un effort étatique colossal. Et parmi ces déchets, l’on retrouvera également… une cuvette de toilettes.
Les nombreux va-et-vient des bénévoles mettront également à jour des préservatifs, trouvaille inhabituelle sur le sol mahorais. Mais si se protéger est une bonne chose, protéger l’environnement en est une autre.
Ludovic, l’un des volontaires parmi les plus motivés de l’opération, entend voir ce lieu si emblématique de la richesse naturelle de l’île au lagon, rester propre : « ce qu’on fait aujourd’hui, on espère que ce sera un peu durable et que les gens prendront conscience que c’est quand-même mieux que ça ne l’était avant ». Le bilan de la journée n’aura pas été infructueux : plus d’une soixantaine de sacs, pour environ 10m3 de déchets.
Un « temps fort » dans le projet de valorisation de l’îlot
L’engouement provoqué par cette initiative orchestrée par le Conservatoire du Littoral (propriétaire de l’îlot) et dont la logistique était gérée par les gestionnaires (la commune et l’association ADINM), aura été certain. Tous n’auront d’ailleurs pu embarquer sur les navettes, l’organisation étant bien souvent à Mayotte ce que la culture sur brûlis est à la préservation des sols.
Mais cette manifestation participative ne sera pas révélée dénuée d’intentions, au delà du simple impact écologique positif. Pour Christian Beillevaire, directeur de l’antenne Mayotte du conservatoire du Littoral, il s’agit ainsi de « marquer un temps fort dans la mise en œuvre du projet de valorisation de l’îlot Mtsamboro ». Et ce, au lendemain de la vaste opération de décasage opérée en juin-juillet-août (130 constructions détruites sur la plage) dans le cadre de la Loi Elan. « Un des objets de la manifestation, c’est de partager ensemble, avec les usagers, la restitution de ce joyau naturel et paysager à son état naturel, et que tout le monde puisse constater que c’est plus agréable en terme de plage, sans bâti précaire » reprend Christian Beillevaire. Mais connaissant l’accueil rencontré lors de l’annonce du projet de remise en état de l’ilot tout particulièrement face à une population inquiète de se voir privée d’une partie de son patrimoine naturel et culturel, l’opération semble également revêtir un autre visage. Celui d’une main tendue vers la population, une invitation à l’adhésion à ce projet dont les premiers résultats se font sensiblement sentir : déjà, les opérateurs nautiques ont réinvesti les lieux pour y déjeuner.
“Il y a tellement à faire”
Le chemin à parcourir semble toutefois encore long. Depuis le large, l’observateur devinera aisément les centaines de bananiers couvrant une très large surface de l’ilot. Et c’est là l’un des prochains axes de l’opération de revalorisation : le volet agricole. Le directeur du Conservatoire déclare que, contrairement aux plus grandes craintes du collectif s’opposant au projet, « l’agriculture sur l’îlot sera maintenue », et ce avec la volonté de transiter vers une agriculture plus durable, notamment un retour à la culture traditionnelle de l’orange, si prisée localement.
S’agissant des déchets, les opérations poursuivront dans les mois et semaines à venir, car comme le rappelle Etienne Rabialahy, membre du conseil d’administration de l’association ADINM (Agir pour le développement du Nord Intégré de Mayotte), « vu l’état de l’îlot, il y a tellement à faire… C’est le joyau du Nord ». Ne dit-on pas, après tout, que la terre est un joyau dont les mains de l’homme sont l’écrin ?
Mathieu Janvier
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