A peine la benne du camion posée au sol, la pelleteuse commence son laborieux travail de destruction. Le pilote manie le bras de l’engin de telle sorte que le godet sectionne la coque du premier kwassa. L’embarcation, éventrée sans aucune résistance, est réduite en grossiers morceaux au bout de quelques minutes seulement. La pelleteuse les récupère méthodiquement et les déverse dans le réceptacle du camion avant de s’attaquer à une autre embarcation.
Première opération de destruction de l’année 2022
Au total, au cours de cette première opération de destruction de kwassas de l’année, sur les 300 stockés sur le terrain du site militaire des Badamiers, plus de 200 seront démantelés. « On est en train de détruire les deux tiers des kwassas que l’on a saisis depuis le début de l’année », informe le préfet. Après confirmation des chiffres auprès du nouveau sous-préfet chargé de la lutte contre l’immigration clandestine, depuis janvier 2022, Thierry Suquet note que « 349 kwassas » ont été « arrêtés ». Entre janvier et juin, ce nombre s’élevait à 224 selon les chiffres du bilan de l’opération Shikandra au 1er semestre 2022.
Les interceptions ne conduisent pas immédiatement à leurs destructions. Afin de « lutter contre les passeurs et les réseaux », les embarcations sont confiées à la Justice pour mener à bien ses enquêtes. « On attend que les kwassas soient ‘libérés’ afin de pouvoir procéder à leur démolition », explique le préfet, insistant sur le fait qu’il faut « l’autorisation pour les détruire ». Interrogé sur le devenir des moteurs des embarcations, le préfet informe qu’ils sont stockés dans des « sites différents » et « détruits à part ».
L’impossible réutilisation des moteurs des kwassas
Pourquoi ne pas faire don de la motorisation auprès de structures d’apprentissage, telles que l’Ecole d’Apprentissage Maritime de Mayotte, afin de former les jeunes de l’île à la mécanique ? Le préfet entend justifier cette politique de destruction des moteurs au nom de « l’efficacité », pierre angulaire de la lutte contre l’immigration clandestine.
« C’est la politique de l’Etat » indique le délégué du Gouvernement. « On détruit les moteurs, on détruit les kwassas car ce sont des outils qui permettent à l’immigration clandestine de venir à Mayotte », explique-t-il, l’objectif étant « de limiter la possibilité de venir » sur l’île. « Quand on détruit un moteur de 80 chevaux, pour un passeur c’est plus difficile de revenir » note Thierry Suquet, avant de poursuivre, « il faut qu’il rachète un bateau, qu’il rachète un moteur ». En d’autres termes, il n’y a « pas de possibilité de réutiliser ce matériel saisi dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine ».
Une opération décryptée au regard du ras-le-bol des élus
Une séquence de destruction dont la lecture ne peut s’affranchir du contexte actuel. Moins d’un mois après la visite du Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, les élus décidaient la semaine dernière de l’organisation d’un mouvement de journées « île morte » pour alerter le gouvernement sur la dégradation du contexte sécuritaire du 101e département. A ce titre, le Thierry Suquet a tenu à rappeler qu’il n’y a pas « une mesure prise par le préfet qui ne soit pas d’abord pensée comme une mesure en termes de lutte contre l’insécurité et de lutte contre l’immigration clandestine ». Une lecture s’inscrivant aussi dans la perspective de la réunion de ce jeudi dont l’objectif sera de dresser le bilan des deux années des Assises de la sécurité.
Pierre Mouysset
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