Et c’est le cas, puisqu’ils surprennent deux personnes sur deux zones éloignées. Le premier sera appréhendé par le beau-frère du maire qui contacte la gendarmerie, c’est pour le second I.S., que les choses se gâtent. Il est surpris par Mohamadi Madi Ousseni avec une botte de paille sur la tête, vraisemblablement pour nourrir son zébu. La juge revient sur les faits : « I.S. se présente à la gendarmerie de Sada le 6 janvier pour déposer plainte, il rapporte avoir reçu un coup de machette sur sa cheville gauche après avoir pénétré dans un champ qui ne lui appartenait pas. Et explique vous avoir vu, monsieur le maire, lancer la machette dans sa direction après qu’il ait sauté les barbelés, lui occasionnant 10 jours d’ITT. » Le jeune explique avoir eu des difficultés pour revenir jusque chez lui, « je n’arrivais plus à bouger ». Et a été transporté à l’hôpital.
Mohamadi Madi Ousseni risque gros, étant dépositaire de l’autorité publique, « et vous devez montrer l’exemple ». Il conteste avoir été l’auteur de l’acte dont on l’accuse. L’élu explique avoir appelé son beau-frère au téléphone lorsqu’il entend du bruit dans sa bananeraie. « Quelqu’un était là, avec une botte de paille sur la tête, je lui demande de s’arrêter, mais il se retourne et s’enfuit en sautant par dessus les barbelés. »
Un devoir d’exemplarité
Pour la juge, le fait que I.S. soit quand même allé voir les gendarmes bien qu’entré illégalement sur le terrain est un début de preuve de bonne foi. « Et vous étiez armé ! », lançait-elle à l’endroit du maire. A sa réponse négative, la juge reprend, « Si ! Vous aviez une machette », faisant par la même occasion de l’ensemble des agriculteurs de l’île une nouvelle force armée qui s’ignorait. Sur ce thème, le vice-procureur Tarik Belamiri, semblait tout aussi connaisseur des us et coutumes locales, « pourquoi aviez-vous une machette ? ». Mohamadi Madi Ousseni signalait qu’en allant au champ, « on la prend toujours », et complétait par un phénomène qui est devenu de société, « et je ne veux plus y aller sans et seul avec le risque de tomber sur quelqu’un ».
La faille, c’est de ne pas avoir saisi la machette sur le coup, lors de la plainte, fait valoir le parquet, « on aurait pu en faire une analyse ADN ». C’est le maire lui-même qui ira remettre le coupe-coupe le lendemain à la gendarmerie, « vous avez largement eu le temps de le nettoyer ! ». Pour le vice-procureur, c’est « parole contre parole », mais il ne croit pas à la version de l’élu, « et vous avez un devoir d’exemplarité étant un personnage public ». Il requiert 6 mois de prison avec sursis probatoire* de 24 mois, obligation d’indemniser la victime, interdiction de port d’arme pendant 5 ans.
Beaucoup d’intrus risquent de devenir des victimes…
En face, l’avocat du maire Yanis Souhaili replaçait les faits dans le contexte des violences quotidiennes à Mayotte, en s’adressant à la cour : « A travers vos questions, on perçoit les reproches de s’être rendu sur son terrain à cette heure matinale. L’intrus devient la victime. » Il mettait en évidence une exaspération telle chez la population qu’un simple vol peut dégénérer. « Quand c’est tous les jours que vous vous faites voler, vous voyez les choses différemment », plaidait-il.
De sa haute stature l’avocat rappelait la bonne réaction de la famille de son client, quand l’autre homme interpellé dans le champ avait été laissé en liberté, « après que la gendarmerie leur ait dit qu’à 6h30 c’était trop tôt, que la brigade n’était pas ouverte, ils n’ont pas cherché à le maintenir de force avec eux, ils l’ont laissé partir », tentant de donner des gages de bonne foi. En expliquant aussi que le prévenu, fonctionnaire, n’avait jamais eu maille à partir avec la justice.
Si le vice-procureur avait indiqué qu’il ne jugeait pas l’élu mais le citoyen, avec quand même la circonstance aggravante de son rôle de dépositaire de l’autorité publique, la collégialité de juges collera à ses réquisitions, en le condamnant à 6 mois de prison avec sursis simple pour violences avec arme, 5 ans d’interdiction de détention d’une arme, et pas de dispense d’inscription au casier judiciaire. Pas de demi-mesure donc pour ce jugement qui colle à la réalité métropolitaine, mais déconnecté du contexte mahorais.
Me Souhaili nous annonçait que son client interjetait appel.
Anne Perzo-Lafond
* Peine suspendue sous condition du respect des obligations et interdictions qui sont fixées par le tribunal.
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