Le partage du marché des transports scolaires en plusieurs lots avait fait trembler les routes en 2015 : alors que la société réunionnaise Matis (Transports Mooland Osmann SA) avait remporté le marché deux ans auparavant, le tribunal administratif le cassait pour qu’il soit mieux réparti et donc alloti, signant là, la victoire des petits transporteurs, auteurs de la plainte.
Il s’agit pour le conseil départemental de relancer un marché qui arrive à échéance en juillet prochain. Un avenant devrait prendre le relais avant sa sortie en janvier 2019. En attendant, la structuration a été entièrement repensée. Des transporteurs comme Kamardine, qui travaillait sur le lot 2, demandaient qu’elle soit maintenue à l’identique, c’est à dire avec quatre lots, dont deux sont attribués à Matis qui assure la gestion de l’ensemble du marché, les deux autres au groupement de ‘petits’, « Tama ya leo ».
Le conseil départemental a préféré opter ce lundi pour une réorganisation géographique, « nous devions tenir compte du Plan Global de Transports et de Déplacements de la communauté d’agglomération », explique Mohamed Sidi, 6ème vice-président en charge des Affaires européennes. A la conseillère départementale de Dembéni, Bouchara Bihari Payet qui faisait remarquer que les enjeux d’un tel marché appelait à une plus ample concertation entre élus, et appelait à ajourner ce rapport, il répondait qu’une réunions s’était tenue sur le sujet à l’appel d’un cabinet conseil, « les élus y étaient en petit nombre. »
Deux effets contraires sur le nombre de bus
Il y aura donc 6 lots, l’un consacré à la seule gestion (d’une durée de 3 ans, portée à 4 ans par amendement), les 5 autres répartis géographiquement (d’une durée de 7 ans), calqués sur les intercommunalités, Nord, Sud, Centre, CADEMA (Mamoudzou-Dembéni), Petite-Terre. Et 5 hubs scolaires sont à gérer, Chirongui, Dzoumogné, Mamoudzou, Dzaoudzi et le réputé Kahani. Et la tarification par enfant fait un bond, puisqu’elle passe de 10 euros par an à 55 euros, avec une dégressivité en fonction du nombre d’enfants, qui ramène le montant à 10 euros à partir de 5 enfants.
Des prix qui ont une double explication décrypte le Conseil économique et social (CESEM) : « Il va permettre de diminuer le flux d’enfants transporté, et donc le nombre de bus sur les routes, chacun étant alors tenté de respecter la carte scolaire, de scolarisation au plus proche du domicile. Et ainsi, tenir compte de la congestion du trafic ».
Car d’un autre côté, le marché tel qu’il est rédigé, pourrait rajouter des véhicules sur les routes au contraire. « Il va falloir plus de bus, puisqu’un transporteur du nord ne pourra prendre en charge les élèves qui attendent sur le bas côtés mais qui ne sont pas dans sa zone géographique. Sur le plan du coût, c’est déraisonnable », relevait le conseiller Ahamed Attoumani Douchina. Le chiffre de 2 millions d’euros supplémentaires est annoncé.
Des bus en porte-voix
Lors de la mobilisation sociale, il avait été annoncé un lot spécifique pour la sécurisation. Le CESEM préconise la mise en place d’une convention entre le Département, le vice-rectorat et les forces de l’ordre, dans ce cadre, et de sanctionner les familles des enfants auteurs de violence.
Un allotissement en 6 lots qui a les faveurs du CESEM qui le juge « pertinent », mais qui alerte néanmoins sur « la qualité inégale des services selon les entreprises », en terme de « politique sociale, état des matériels roulants, capacité à gérer les marchés publics ». On avait vu lors du précédent allotissement les difficultés d’entretien des véhicules et de mise aux normes. « Beaucoup de petits transporteurs dysfonctionnent, souligne Bichara Bouhari Payet, beaucoup d’entreprises cherchent encore à s’organiser ». Elle mettait en garde contre la tentation d’allotir pour « chercher des voix. » Ou, pourrions-nous rajouter, pour satisfaire un membre de sa famille.
Sur le plan de la gestion, on voit nettement à travers la demande de « montée en compétence du Département », que celui-ci compte reprendre la main en direct dans 4 ans.
Le CESEM regrette qu’un bilan des services des transports scolaires depuis 2015 n’ait pas été proposé, « la compensation financière de l’Etat n’évolue plus », regrette-t-il, et appelle à mettre en place des indicateurs de suivi.
Gestionnaire ou exploitant ? Les dirigeants de la société Matis qui géraient l’ensemble du marché, et exploitaient deux lots, vont donc devoir choisir leur secteur d’activité, mais déjà ses salariés syndiqués chez FO Transports et logistiques s’inquiètent sur leur avenir, en particulier sur la garantie de conservation de leurs acquis. L’allongement de la durée du marché de 3 à 4 ans pour le gestionnaire va en tout cas dans le sens de leurs demandes.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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