Un bilan d’étape de la première étude sur la population du lémur brun a été exposé ce lundi matin au conseil départemental. Pour la première fois, le constat de l’impact du primate protégé sur les cultures des agriculteurs est mesuré.
Pour faire comprendre sur quel point cette étude était importante, Mouslim Payet, le président de la Chambre d’Agriculture de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte (CAPAM), lui-même agriculteur a embrayé tout de go au moment des présentations. « On a l’impression que l’on travaille pour nourrir les makis et pas pour les hommes », soulignant le manque à gagner sur les pertes de production attribuées aux makis.
Laurent Tarnaud porte ces travaux, pour le compte du département et de la CAPAM, depuis 2016 et étudie le lémur bru, primate endémique de Mayotte depuis 1999. Le chercheur associé au Muséum d’histoire naturelle à Paris se sera efforcé tout au long de sa présentation de préserver l’équilibre entre l’agacement des agriculteurs contre cette espèce protégée par la convention de Washington et son inexorable déclin.
« Les lémuriens décroissent très rapidement car les surfaces de forêt baissent, mais effectivement, ils sont plus nombreux dans les parcelles agricoles » constate le primatologue.
Alors que les plus anciennes observations datant de 1975 estimaient la population des makis à 50 000 individus, les premières données de l’étude tablent sur un chiffre de 15 000 représentants de l’espèce aujourd’hui.
Plus qu’une seule étude, il s’agit de deux études transversales, l’une portant sur la population des makis et l’autre sur l’impact de l’animal sur les espaces cultivés. Elles se sont donc déroulées sur des parcelles agricoles et dans le milieu de vie originel et en danger du maki : la forêt. Sa surface a diminué de 40 % en 20 ans constate le chercheur. Mais l’étendue de cette diminution est sujette à des nuances sémantiques ; doit-on inclure les surfaces cultivées sous le terme forêt avec comme seule condition la constitution d’un couvert forestier ? C’est le point de vue défendu par le représentant de la direction de l’alimentation l’agriculture et de la forêt (DAAF), avec pour effet de faire passer la déforestation/plantation de culture comme une transformation de la forêt.
Mettre en place des zones d’arrêt
Si l’étendue de la baisse de la surface forestière peut varier en fonction des points de vue, la baisse elle n’est pas contestée. L’espace de vie du maki, espèce arboricole est en diminution et le conduit inexorablement sur les parcelles de cultures de fruits. Les litchis, mangues, bananes ou autres papayes sont un met de choix pour l’animal.
Schématiquement à Mayotte, les surfaces agricoles sont croissantes, il y a donc plus de déforestation. L’espace de vie des makis diminue, sa population également, mais ceux qui restent se rendent dans une proportion plus large sur les terrains agricoles pour se nourrir, faute d’alternatives. Une situation qui explique le sentiment d’envahissement des agriculteurs, alors que le nombre de makis est clairement en diminution. C’est donc le développement de l’agriculture qui conduit à l’envahissement des espaces agricoles par les makis !
Plusieurs pistes pour réconcilier l’agriculteur et le maki pourront être envisagées grâce à ces données. Les études ont permis d’établir une méthodologie reproductible pour le comptage des lémurs bruns et le calcul de leur impact sur les productions agricoles. Connaitre l’impact des lémuriens sur un type défini de parcelle, de culture permet d’estimer son coût et pourrait donc ouvrir la voie à des indemnisations pour les agriculteurs.
Un travail préventif pourrait également être mis en place en créant des zones d’arrêt entre les parcelles. Il s’agit un système de haies avec lianes dont les makis se délecteraient des fruits sans aller « prélever leur taxe », selon le mot de Laurent Tarnaud, sur les parcelles agricoles.
AL
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