C’est un pari réussi : à la suite d’un rapport d’un inspecteur général en 2014 soulignant l’urgence d’améliorer la qualité de l’éducation à Mayotte, et d’y professionnaliser le corps des professeurs des écoles, le vice-rectorat mené alors par Nathalie Costantini, le Centre universitaire de Formation et de Recherche (CUFR) pour Mayotte, et l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education (ESPE), l’Université et le Rectorat, pour La Réunion, ont mis en place l’année dernière un concours de recrutement de Professeur des Ecoles (CRPE) pour le 1er degré, spécifique à Mayotte.
Ouvert aux Bac+3, il emmène ensuite les étudiants vers deux années de professionnalisation en Master des Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la formation (MEEF). Il suit un modèle original de formation « en alternance intégrative », avec apport théorique et expérience de terrain.
Les lauréats sortent donc avec un Bac+5 tout en ayant bénéficié d’une formation sur le territoire. « Contextualisé », était d’ailleurs le maître mot de la journée de ce vendredi, de multiples fois répété par Frédéric Tupin, Directeur de l’ESPE de La Réunion : « C’est à dire que vous allez être attentifs aux caractéristiques des élèves présents : quelle langue parlent-ils à la maison ? Leurs parents ont-ils fait des études ? Quel est leur environnement culturel ? Ont-ils accès au numérique ? »
Au delà du plexus solaire
Venu pour lancer cette rentrée aux côtés du recteur Stephan Martens et du directeur du CUFR Aurélien Siri, Frédéric Tupin se réjouissait de parler devant un amphi plein, puisque les 161 étudiants reçus au CRPE cette année, succèdent aux 135 formés l’année dernière, désormais en 2ème et dernière année de master MEEF : « Vous représentez l’école de la République, ça n’est pas mince ! », lançait-il en préambule, avant de souligner que cette formation universitaire, « donc intégrant de la recherche », va leur permettre de « prendre de la distance » et de « contrer les idées reçues qui circulent dans les écoles. »
Leurs formateurs seront universitaires, maitres de conférences, mais aussi des enseignants du second degré, agrégés ou certifiés, du 1er degré, des conseillers pédagogiques, etc.
Un métier qui relève de la « vocation », pour lui mais pas que : « Cela ne se situe pas uniquement au niveau du plexus solaire, il faut se professionnaliser ! »
Salariés pendant deux ans de l’éducation nationale, c’est l’efficacité qui sera attendue d’eux en retour, « l’’effet maître’, c’est 20 des compétences de l’élève. Vous pouvez le couler ou l’élever. Surtout chez ceux qui n’ont pas d’environnement culturel ou linguistique, ils dépendent de vous ! »
Fini les recrutements au niveau 3ème…
Lui faisait écho Dominique Haim, Adjoint du vice-recteur chargé du 1er degré : « Tous les enfants doivent y arriver, s’ils ne réussissent pas, ce n’est pas de leur faute. Vous êtes les modèles qu’ils auront devant les yeux toute l’année. » Avant même que ne commence la session laïcité, il rappelait les interdits: « Dans l’école, on accepte le kishali et le salouva, mais pas le voile islamique. »
Un discours écouté religieusement par les participants, notamment trois jeunes femmes. Originaires de Mayotte, certaines sont parties faire leurs études en métropole, et leur chemin les a ramenées sur leur île : « J’ai suivi une licence en AES » explique la première, sa voisine a un parcours étonnant, « j’ai fait un master Banque et Finances, mais j’ai toujours voulu être enseignante ! », sourit-elle, quant à la troisième, elle a un Bac+5 en MEEF… « mais sans avoir passé le concours au départ, donc là, j’ai dû recommencer, mais je vais voir si je peux passer directement en deuxième année de master MEEF ».
Fini donc les recrutements au niveau de la classe de 3ème , qui ont plombé le niveau d’enseignement, lorsque Mayotte a dû faire face à la scolarisation de masse, comme le rappelait Aurélien Siri, directeur du CUFR, « en 30 ans, les effectifs de ce système scolaire ont été multiplié par 10 », des recrutements qui ont progressivement évolué jusqu’à des niveaux de qualification Bac et Bac+2, « en 2019, ce sera l’extinction du dispositif transitoire , et le passage à une formation et au concours de recrutement de professeur des écoles identiques à ceux de l’Hexagone. » Il était temps !
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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