Voilà un ministre qui a le bon goût de ne pas débarquer un week-end ou un jour férié à Mayotte, et qui de surcroît, arrive quand son secteur est en crise. Quoique cela soit une donnée assez globale sur le territoire finalement.
Jean-Michel Blanquer vient de toute évidence pour rehausser le moral des troupes. Il l’a répété à plusieurs reprises, « je ne cherche pas à nier les problèmes, ils sont en grande partie liés à la démographie », et les syndicats CGT Educ’action et Sud Education n’ont pas manqué à Tsararano de lui donner un petit aperçu des revendications qu’ils porteront demain. Mais le ministre a transmis deux messages devant le personnel du vice-rectorat : il se place dans une « perspective optimiste » grâce « aux moyens qui seront débloqués », et il appelle à avoir confiance dans l’avenir, en arrivant après une crise sociale qui a permis de cerner les difficultés, « le diagnostic est partagé avec les élus, les objectifs aussi ».
C’est donc presque un « tous ensemble ! », que le ministre lance au personnel de l’éducation nationale, en espérant une « année sereine, au travail, nous avons les moyens d’y arriver grâce aux mesures que nous avons prises », et donc que les droits de retrait soient un mauvais souvenir, « le moment est venu de s’unir autour de ces objectifs. »
Les rythmes scolaires à plusieurs vitesses
Mais pour qu’il y ait confiance, il faut donner des gages sur la mise en place des mesures annoncées, notamment les 500 millions d’euros sur le quinquennat en construction d’écoles et d’établissements du secondaire. Le syndicat CGT Educ’action alerte : « Sur cette somme, 100 millions d’euros sont consacrés au secteur primaire, soit 20 millions d’euros par an, c’est à dire la somme qui était déjà allouée pour les constructions des écoles. »
En matière de rythmes scolaires, pour certains, c’est la catastrophe, comme à Ouangani, en témoigne cette lettre ouverte , émise par des parents d’élèves. Quand pour d’autres, ça roule. C’est le cas à Chirongui, la maire Roukia Lahadji nous glissait, « il n’y a eu aucune revendication cette année sur ce sujet, certaines écoles me demandent même d’adhérer au système. » Sur les 10 écoles de sa commune, 7 ont pu l’intégrer, 3 restent en rotation, « nous y travaillons. »
C’est à l’internat d’excellence de Tsararano que le ministre terminait sa journée. Grâce à un financement de l’ANRU, l’Agence de Rénovation Urbaine, ce bâtiment permet aux élèves à fort potentiel scolaire, sportive ou artistique, d’intégrer un internat où l’ambiance est au travail, et où les élèves, sont choyés, « mes frères et sœurs sont jaloux de moi », glissera une handballeuse au ministre.
Une perspective d’avenir pour les jeunes
Une chance offerte à ces jeunes dépistés qui n’auraient pas eu les moyens de se réaliser, « on choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille, on choisit pas non plus les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger pour apprendre à marcher », chantaient les élèves du collège de Doujani quelques minutes plus tôt…
Sur 110 places, seules 60 sont occupées, « à la fois parce que l’internat n’est pas une réponse éducative qui est entrée dans les habitudes ici, mais aussi parce qu’il faut débourser 1.200 euros par an », expliquait au ministre Didier Le Guillouzert, proviseur du lycée de Tsararano. Les boursiers s’y retrouvent, quant aux autres, une partie peut être prise en charge par la Direction de la Jeunesse et des Sports. Une initiative destinée à combler un vide sur la prise en charge des jeunes sportifs par le Département.
A plusieurs reprises le ministre a parlé de diagnostic et d’objectifs concertés avec les élus, chacun doit donc œuvrer pour y parvenir.
A la suite de ce lundi de visites d’établissements, vont succéder les choses plus sérieuses : les échanges avec les syndicats, dont le SNUipp (communiqué de presse) qui demande « une transformation en profondeur du système éducatif à Mayotte avec des investissements massifs », puis avec les parents d’élèves ce mardi matin.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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