Voilà un sujet sensible dont la plupart des candidats veulent bien parler sans jamais être cités. Alors qu’en Métropole, la présence des «minorités visibles» (les Français d’origine non-européenne) sur les listes des municipales prête à discussion, à Mayotte, évoquer la «minorité visible» métropolitaine semble être un sujet à la limite du tabou.
Il est évidemment impossible d’établir un compte précis des Français issus de l’Hexagone, candidats sur les listes municipales. Mais certains fins connaisseurs de la vie politique mahoraise estiment qu’on n’en trouve qu’une petite cinquantaine sur les 77 listes du scrutin de dimanche. Ce comptage peut surprendre ou déranger mais il pose la question de la représentation de l’ensemble de la population dans les futures équipes municipales. D’évidence, les Mzungu* seront totalement absents de la gestion de plusieurs communes mahoraises.
«Nous avons essayé de trouver un Mzungu qui souhaite s’impliquer dans la vie de la commune mais nous n’avons pas réussi à convaincre», explique une tête de liste, candidat dans le sud de Mayotte. Si à Mamoudzou ou sur Petite-Terre, où les Métropolitains sont présents en plus grand nombre, il semble plus facile de trouver des candidats hexagonaux voire réunionnais, dans les communes rurales «les fonctionnaires de passage ne se sentent pas concernés par nos élections», estime le même candidat.
Craintes et clichés
Des listes ont donc bel et bien cherché leur représentant métropolitain, d’autres, en revanche, ont choisi la prudence. «Certaines listes ont été embarrassées par la question, reconnait un autre candidat. Tout cela est de l’ordre du ressenti. Certains avaient peur d’une réaction négative de la population.» Pourtant, sur le terrain, un candidat Mzungu assure recevoir des encouragements, parfois surprenants : «On me parle assez souvent de corruption. Spontanément, beaucoup de gens viennent vers moi pour me dire qu’ils espèrent que la présence d’un Mzungu va ‘assainir’ les comportements.» Un cliché qui en vaut bien d’autres.
Si la stratégie de la composition d’une liste répond au désir de rassembler le maximum de suffrage, la politique mahoraise reste encore prisonnière du poids supposé des «grandes familles». Obtenir la bienveillance de ses membres garantit déjà un nombre important de voix. Tandis qu’en intégrant des Mzungu, rien n’assure d’obtenir les suffrages des Métropolitains, tant il est évident que les Mzungu ne forment en rien une «communauté» homogène. A chacun son parcours et ses idées politiques… parfois bien difficiles à transposer sur les candidats et les alliances locales.
Une campagne difficile d’accès
Ainsi, peu de choses semblent faites pour parvenir à intéresser les Métropolitains mais aussi les Domiens de Mayotte à ce scrutin. Rares sont les équipes municipales sortantes à avoir édité un bilan de leur mandature et en conséquence, rares sont les forces d’opposition à pouvoir émettre une critique audible de la gestion communale passée.
Les tracts de campagne promouvant les programmes commencent à peine à circuler et les meetings sont quasiment tous intégralement en langue mahoraise…
Au final, s’il est impossible de spéculer sur la participation des Mzungu au scrutin de dimanche, il apparaît tout de même que la vie politique à Mayotte est plus que jamais une affaire strictement mahoraise.
RR
*Muzungu : le terme est entré dans l’usage pour autant le pluriel de Mzungu est «Wazungu» en langue mahoraise
Comments are closed.