Ce fut quand même incroyable de constater la quasi-absence d’élus départementaux dans leur hémicycle, alors que l’instance de concertation entre la préfecture et le Département qu’est le Conseil Départemental de l’Habitat et de l’Hébergement (CDHH) tenait ce mercredi une séance exceptionnelle. Le suivi des mesures Logement était présenté ce mercredi par Dominique Sorain, autant Délégué du gouvernement que préfet cette fois-ci. Les mesures du Plan Mayotte sur l’habitat et le logement, présentées en mai par Annick Girardin, étaient déclinées. C’est encore le vice-président Issa Abdou qui s’était rendu disponible, mais les élus en charge de ce secteur de l’habitat et de l’aménagement étaient absents.
Idem dans la salle, le service après achat d’après-mobilisation n’était assuré que par Salim Nahouda, secrétaire départemental de la CGT Ma. Bien que n’ayant pas signalé leur présence lorsqu’ils ont été interpellés, ce qui nous avait incité à évoquer leur absence, les représentants de l’Établissement public foncier et d’Aménagement de Mayotte (EPFAM) étaient là, et se sont exprimés sur la nécessité de mettre en place une Commission d’Urgence Foncière.
Prenez votre voiture et faites le tour de Mayotte. D’un côté, la vue continuelle sur le magnifique lagon. De l’autre, des pans de forêt et de culture, mais dans les zones urbanisées, des amas de cases en tôles, parfois à n’en plus finir. Un double visage du territoire, qui ne souffre plus l’inaction, les déchets de ces villages d’habitats illégaux se déversant dans le lagon.
Les chiffres donnés par la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL) définissent le contexte : « Sur les 5.000 logements recensés pour risque d’insalubrité, les trois-quarts manquent d’au moins un élément de confort de base, l’eau ou les toilettes. De plus, nous sommes face à une croissance annuelle de 3,8% de la population. Il faut donc d’une part maitriser l’extension de cet habitat spontané, et d’autre part, rattraper le retard en logement, il n’y en a que 278 actuellement. Nous avons recensés 9.000 logements installés sur des zones inconstructibles, avec un impact environnemental non négligeable, et qui privent d’accès à la ressource foncière. »
Un budget plus que doublé pour les logements sociaux
Trois axes stratégiques en découlent : la production de logement neufs en renforçant la lutte contre l’habitat illégal, la requalification de l’existant, c’est à dire sa rénovation avec trois programmes NPRU en cours sur Kawéni, Majicavo Koropa et la Vigie, le dispositif « Centres bourg », ou la ligne budgétaire unique (LBU) du gouvernement pour le logement dans les DOM, et troisièmement, la mise en place d’une Opération d’Intérêt national (OIN) qui organise les zones géographiques de développement par secteur.
Parmi ces mesures, certaines comme la rénovation urbaine du NPRU sont antérieures au Plan pour l’avenir de Mayotte, mais d’autres comme l’OIN ou la LBU, sont nouvelles. Cette dernière surtout, fait l’objet de la mesure n°30, et est largement abondée, de +66%, « et donc portée à 30 millions d’euros dès 2018. »
Bras armé du gouvernement sur ce sujet, Dominique Sorain demandait du concret, « combien de logements programmés pour 2018 ? » Ce seront 480 constructions en Accès locatif social, et le foncier urbanisable estimé à 480 ha, permet un potentiel de 5.200 logements, « la moitié en logement sociaux, l’autre en libre », répondait Joël Duranton, directeur de la DEAL. En résorption de l’Habitat Insalubre, 2.100 logements vont être concernés, « dont les deux-tiers sont dégradés ».
Le locatif social est donc désormais privilégié sur l’accession qui posait des problèmes de revenus à ses occupants. Salim Nahouda soulignait l’absence à Mayotte d’allocations comme les APL qui privaient notamment les étudiants d’intégrer des logements à Dembéni. La DEAL annonce réfléchir à un système d’aides y compris pour le locatif social, et le préfet invitait à s’atteler à la mise en place d’un CROUS qui permettrait de participer aux loyers des étudiants.
Un nouvel Elan contre les constructions illégales
Autre mesure du plan, la n°31, nationale celle-ci, « l’action cœur de ville », va bénéficier à trois zones de l’île, Mamoudzou pour son front de mer, le quartier Boboka et la pointe Mahabou, Dembéni sur la valorisation du centre-ville avec la ZAC, et les gares maritimes, et Petite Terre, pour le désenclavement du quartier de la Vigie.
Nous ne reviendrons pas sur la 32ème mesure, portant sur les projets ANRU, sur lesquels nous communiquons régulièrement, avec une maturation des projets sur deux ans.
La 33ème et dernière, concerne la lutte contre les constructions illégales. Avec une nouvelle loi, ELAN, porteuse de dynamisme pour les préfets de Mayotte et de Guyane, puisqu’elle leur permet d’ordonner l’évacuation des occupants et la démolition par le propriétaire, un mois après la notification. « Adoptée par le Parlement, elle devrait être promulguée à l’automne ». « Ce qui ne nous empêche pas de continuer à appliquer les décisions de justice quand la procédure est bouclée », complète Dominique Sorain, qui compte également agir sur les zones à risques naturels, « comme à Iloni ou la Vigie, où les zones sont submergées ».
En amont de l’expulsion, la Direction de la Jeunesse et des Sports (DJSCS) accompagne les habitants, « en s’assurant de l’accès à leurs droits quand leurs conditions administratives de séjour sont remplies », explique Nafissata Mouhoudhoire.
Pour davantage de transparence, Dominique Sorain annonçait la mise en place « d’ici un mois » d’un site internet « pour faire un point actualisé sur les mesures de ce plan. »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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