Enfin ! Enfin, la filière poulet de chair structurée à Mayotte. « Jusqu’à présent, nous menions des petites guéguerres qui ont fini par nous tuer, nous les éleveurs », analyse avec justesse l’éleveur Elhad-Dine Harouna, et sans penser au consommateur qui ne veut qu’une chose, remplir son assiette ! » Et la remplir sans s’empoisonner. C’est désormais possible avec deux niveaux de qualité de poulets qui ont bénéficié d’une phase test de commercialisation depuis un an, sous la marque « Mon pouleti ». Une sorte de mix entre la formulation mahoraise, et un shizoungou affectueusement désuet…
Désormais, « Mon Pouleti » est sur les rayons frais des supermarchés, estampillé « Maore par nature », en proposant deux niveaux de qualité. Le produit « classique », de milieu de gamme, propose une poule de souche blanche, élevée pendant 56 jours, contre 30 à 40 jours pour les industriels, « avec un mode d’exploitation de 14 poulets au m2, que l’on situe entre l’élevage intensif et de plein air », rapporte Rémi Delassus, coordinateur du projet. Et une qualité supérieure, de poule rousse à pattes jaunes, de nos campagnes, élevée 80 jours en plein air, avec davantage d’espace, 11 poules au m2, avec une trappe dans le grillage qui leur permet de gambader ailleurs. Les poulets pourront atteindre 1,7kg.
Vendus par 25 distributeurs, dont le réseau Sodifram-Sodicash, Jumbo ou Kagna Maore, on le trouve entre 7 et 8 euros le kilo, pour la première qualité, et 7,50 et 9,50 euros le kilo, pour la qualité supérieure. Et parce que tout est bon dans le poulet, des abats sont aussi commercialisés, gésiers, cous et foies, entre 5 et 9 euros le kilo.
3.000 poules, ça rapporte
Comment en est-on arrivé à pouvoir produire un poulet made in Mayotte, après tant d’années d’errance ? Après un taux de mortalité important sur les poussins importés, un début de structuration de la filière volaille avait vu le jour avec l’installation d’un couvoir par la société Ekwali à Ironi Be. La société dont est actionnaire Guillaume Rubin, aux côtés de la réunionnaise URCOOPA, et quelques privés, fournit également la provende des poules, la nourriture en granulé pour la volaille.
Il fallait ensuite rassembler des petits éleveurs locaux, « nous sommes 11 à avoir intégré la structure sur une superficie totale de 1.850m2, avec l’idée un jour de se regrouper, notamment pour éviter les vols », indique Elhad-Dine Harouna, président de la SAS Abattage de Volaille Mayotte* (AVM). Un élevage n’est réellement rentable qu’à partir de 3.000 poules, avec un revenu potentiel jusqu’à deux fois le SMIC ».
Mais ils voient plus loin, « nous visons la trentaine de producteurs à l’horizon 2025». Pour l’instant, 1.500 kilos de volailles sont abattus par semaine, « depuis le début de l’année, nous en sommes à 58 tonnes, avec l’objectif de 70 tonnes à la fin de l’année », rapporte Rémi Delassus. Le plafond de verre, c’est l’abattoir qui le fixe actuellement. En projet depuis des années, il est en passe d’aboutir, « à Kahani, en 2020. Nous l’envisageons pour une capacité de production de 5.000 volailles par an. » En attendant, ils utilisent la petite unité de Coconi, qui plafonne à 100 tonnes par an et qui ne permet pas les découpes.
Des poules sans œufs
En leur permettant d’augmenter la production, l’abattoir va permettre de réduire les coûts « et donc de baisser les prix de vente des poulets », espère Guillaume Rubin. Pour l’instant la demande suit, notamment de la part de structures comme le RSMA ou la Légion, « nous sommes passés de 900 à 1.500 poulets vendus par semaine ».
Les risques sanitaires comme la salmonelle sont minimisés par l’utilisation de souche certifiées de poules et le respect des chartes sanitaires, supervisées par un vétérinaire.
Pour l’instant satisfaits d’avoir monté une filière qui sera en complète autonomie avec la pièce manquante qu’est l’abattoir, ils ne négligent pas les marchés futurs que vont apporter un jour ou l’autre l’exigence du bio, notamment la loi Agriculture et alimentation, « nous avons volontairement surdimensionné l’abattoir pour y parvenir. »
Et toutes ces poules en liberté, ne voudraient-elles pas donner des œufs commercialisables par hasard ? « Pas possible, ce n’est pas la même filière, le cycle de ponte chez la poule commence au bout de 6 mois. » Mais un partenariat avec des éleveurs de pondeuses n’est pas exclu !
Anne Perzo-Lafond
jdm2021.alter6.com
* Trois collèges constituent son actionnariat, les éleveurs, majoritaires, les salariés et les industriels
Comments are closed.