Deux journées pour parfaire les outils de ressources humaines de gestion des agents des collectivités. Et, ironie de l’histoire, ces jeudi et vendredi derniers, alors que sortait le rapport de la Cour des Comptes pointant la désorganisation de 5 grosses collectivités de Mayotte, autorisant tous les abus sur le Supplément familial.
Un gros décalage de maturité entre les collectivités des deux départements de l’océan Indien apparaissait d’ailleurs dans lors des échanges. Mais un séminaire bénéfique pour Mayotte, car si les préconisations du sociologue-consultant Jérôme Grolleau s’adressaient aux administrations au cadre solide, elles fixent un cap et un objectif à atteindre.
L’intervenant mettait en évidence « une manière de parler du travail qui change » en métropole. Le débat ne serait plus aux « conditions de travail », mais à « une demande de reconnaissance ». Preuves que les premières se sont améliorées, mais surtout « l’apparence d’une dimension personnelle et subjective qui amène vers des risques psychosociaux comme la souffrance au travail ». Les psychologues privés le souligneraient d’ailleurs, « avant les gens parlaient de leurs problèmes de cœur, maintenant, ils parlent de leur travail. »
« Ça vous arrive de dire ‘non’ à votre élu ?! »
Le remède se trouve dans la continuité de l’écoute et du travail collectif, « les entretiens d’évaluation doivent se faire en continu ». Et ne pas se contenter de valoriser les agents, d’un « c’est bien » infantilisant, « il faut favoriser son appropriation du travail, en s’intéressant réellement à ce qu’il fait ».
Aussitôt les problématiques mahoraises remontaient parmi les responsables des ressources humaines présents, « mais que faire quand les rôles ne sont pas clairement définis, on est court-circuités par des adjoints aux maires qui contredisent le DGS ! », « moi dans ma mairie, il y a eu des recrutements sans que je sois informé, par contre, quand les émus viennent me voir dès que se pose un problème de procédure », « moi, mes cadres ne se remettent jamais en question, comment je fais ? »
Si Jérôme Grolleau répondait posément qu’il fallait en évidence un cadre professionnel pour fixer les règles du jeu, lui faisait écho, et sans ambages, la directrice des ressources humaines d’une commune du sud de La Réunion, « et ça vous arrive de dire ‘non’ à votre élu ?! Je considère le mien comme mon aléas. Il veut recruter, qu’il recrute, mais moi j’avance quand même ! »
La police municipale-modèle de Mamoudzou
Il y a pourtant un modèle qui marche au top à Mayotte, et qui revient de loin, celui de la Police municipale de Mamoudzou. C’est un accent du sud de l’Hexagone qui s’élève, Jean-Luc Chailan, Directeur de la Prévention et de la Sécurité urbaine à la Police municipale de Mamoudzou, met depuis un an son expérience de 24 ans à la tête de la police municipale de Caveirac (Gard), pour organiser les services de police municipale de la plus grosse commune de l’île.
Lorsqu’il arrive, les horaires de travail ne sont pas tous effectués, l’absentéisme est élevé, « il n’y avait ni communication en interne, ni contrôle ». Une écoute des 162 agents répartis en 5 services lui a permis de cerner deux catégories, « les Caliméros, ‘l’autre à plus davantage que moi’, et ceux que l’insécurité rebutait dans leurs déplacements. » Il réaffecte les agents dans un nouvel organigramme en fonction de ces critères, dûment assortis de fiches de poste, « tout en les accompagnant ». Et en mettant en place la géolocalisation, « tout le monde a adhéré. »
Monter dans un TGV en marche
Tous les 3 jours le staff de cadres est réuni, « pas plus d’un quart d’heure », et tous les 15 jours, l’ensemble du personnel, « il faut que tous les agents soient informés de ce qui se passe dans la collectivité ». Ils ont triplé le nombre d’enregistrement des mains courantes.
Il a une image parlante pour illustrer le défi que doivent relever les Mahorais : « En 2012 on leur a dit, ‘il y a un TGV qui passe, il faut le prendre en marche !’ »
Bilan de la restructuration : 80% des agents sont dans la dynamique et tirent les autres, des agents qui se sentent valorisés, en raison notamment d’une montée en compétence, « tout ce qui a été appris lors d’une formation au CNFPT est obligatoirement mis en pratique ». Cette reconnaissance se traduit au niveau de la commune, « avant, la police nationale nous demandait de les accompagner sur des actions, là, sur les contrôles de garages illégaux, c’est nous qui les avons sollicités ».
Et le risque de contournement par l’élu est solutionné, « quand un élu demande quelque chose, ils répondent ‘pas de problème, mais il faut en parler à la direction avant’ ».
Le must du must, et la preuve que tout est possible à Mayotte, tout le monde se les arrache maintenant ! « Et des formateurs de la police nationale veulent intégrer la police municipale ».
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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