La signature la semaine dernière de l’union avec La Réunion comme partenaire particulier jusqu’à nous assurer d’une médiation dans la région, donnait le top départ d’une nouvelle vision de coopération, résumée en une phrase par le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani : « Il s’agit à la fois du rayonnement international de Mayotte et de la reconnaissance de son identité et de ses choix ».
Il exposait en séance plénière ce mercredi matin sa « stratégie de coopération décentralisée dans l’océan Indien, et dans le Canal du Mozambique en particulier », le 6ème axe de son Plan de mandature. Deux objectifs politiques servent de fil rouge : « L’affirmation par Mayotte de son choix volontaire d’être une région française qui en impliquera l’acceptation par nos voisins, et notre positionnement dans le rôle de tête de pont de la France dans la région en nous appuyant sur les proximités géographiques et culturelles avec nos voisins, notamment l’Union des Comores et Madagascar, mais aussi les pays Est-africains ».
Il s’agit de « créer de la convergence » avec les pays voisins, surtout l’Union des Comores et Madagascar, « plutôt que de creuser l’écart », « en agissant sur certains facteurs du développement humain ».
La « culture commune » est donc mise en avant pour faciliter « l’approche humaine », ce qui impliquera « la reconnaissance de Mayotte dans les instances régionales de l’océan Indien, comme la révision de la Charte des Jeux des Iles et l’appartenance à la Commission de l’océan Indien », dont Mayotte est toujours exclue. En clair, nous ne sommes plus dans des jérémiades à destination des instances parisiennes, mais à une prise en main du destin régional et international du territoire. Ça change.
Réception de l’ambassadeur
Le cadre de cette nouvelle organisation implique le renforcement de trois axes : celui de l’influence de Mayotte dans la zone, celui des échanges socio-économiques et culturels avec nos voisins et celui des capacités du Département à mettre en œuvre ce cadre stratégique.
« Nous avons rédigé 52 fiches action, expliquait Mohamed Sidi, vice-président chargé de la Coopération décentralisée et des Affaires européennes, mais nous devons avant tout pour les mettre en place, tenir compte de l’action diplomatique de notre Etat, ce qui implique une collaboration étroite avec ses services ».
Le problème du choix de l’interlocuteur pour traiter de ces dossiers, était évoqué, « le président du conseil départemental n’a pas pour homologue les présidents des autres Etats », mettait en garde le conseiller Chihabouddine Ben Youssouf, repris par Ahamed Attoumani Douchina, qui a la mission avec Mohamed Sidi, de mettre en place le cadre : « Nous ne rencontrons pas les ministres ou les chefs d’Etat, nous avons déjà des interlocuteurs. » Il a été reçu au ministère des Outre-mer en avril 2018, « pour demander le soutien des ambassadeurs dans chacun des pays », qui ont prévenu de son arrivée.
Une des fiches action porte justement sur cette représentativité, avec « la mise en place de Chargés de mission du CD dans les ambassades de la zone ». Des négociations sont en cours.
Atouts et faiblesses de Mayotte
Si ses drapeaux français et européens offrent des atouts notamment de stabilité dans la zone, Mayotte a aussi ses faiblesses, couchées noir sur blanc dans le document cadre, notamment le manque de compétitivité, en raison du coût de sa main d’œuvre et de sa monnaie forte. En conséquence, un déséquilibre de la balance commerciale, créé par des importations largement dominantes sur les exportations.
Des solutions sont déjà à l’étude, comme le précise Michèle Balourd, Directrice des Affaires Européennes et de la Coopération Régionale au CD : « Comme nous ne pouvons agir sur les coûts de la main d’œuvre, nous allons étudier la possibilité de développer des stratégies de niche, et de produits à haute valeur ajoutée, comme l’énergie ou les déchets. » Des potentiels qui devront être précisés dans le Schéma Régional de Développement économique, d’Innovation et d’internationalisation.
« Une reprise en main du destin du territoire par les élus qui ne se cantonnent plus qu’à envoyer des euros, c’est une bonne chose », ponctuait Nomane Ousseni, « une vision qui nous donne raison de demander à assurer notre autorité de gestion sur les fonds européens », rajoutait Issa Abdou.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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