Claude-Valentin Marie, Institut national d’études démographiques, Didier Breton et Maude Crouzet, Université de Strasbourg, ont voulu décrire une société en recomposition en titrant « Mayotte : plus d’un adulte sur deux n’est pas né sur l’île » (Note Ined Mayotte nov 2018). On y retrouve les analyses publiées l’année dernière par l’INSEE.
Sur les 256.500 habitants enregistrés en 2017, les trois quarts des enfants qui y naissent sont de mères étrangères, Comoriennes pour la plupart, 69 %. L’INSEE avait même souligné que les natifs d’Anjouan forment 30% de notre population, ceux de Grande Comores et de Mohéli en représentent 12%, et les personnes nées en métropole, 8%.
Quant aux pères, ils sont pour une moitié Français et pour l’autre, étrangers, le plus souvent Comoriens, avec une forte progression des naissances issues de deux parents étrangers (42 % en 2017, contre 28 % en 2014).
Impact du niveau d’éducation sur la fécondité
La différence entre les deux études, c’est le contexte, puisque depuis, s’appliquent de nouvelles dispositions du code de la nationalité introduites en 2017 par l’amendement du sénateur Thani Mohamed Soilihi, qui révisent le droit du sol : elles imposent en effet que pour en bénéficier un enfant né à Mayotte ait, au jour de sa naissance, au moins un de ses parents qui réside de manière régulière depuis plus de trois mois sur le territoire de Mayotte.
L’INED rappelle que l’immigration, qui contribue depuis longtemps à la croissance démographique, se double d’une émigration importante touchant notamment les jeunes, près de la moitié des personnes de 20-24 ans nées à Mayotte résidant en métropole par exemple. Il en résulte une recomposition importante de la population : plus de la moitié des adultes habitant l’île n’y sont pas nés et sont originaires des îles comoriennes voisines. La population de Mayotte est très jeune et peu instruite. L’un des premiers défis de l’île est de rattraper les retards en matière d’éducation, notamment parce que la fécondité est plus importante dans ce ca, soulignant un « déficit éducatif plus important des Anjouanaises », et rajoutant qu’à « niveau d’études équivalent, ces dernières n’ont pas plus d’enfants que les femmes nées à Mayotte ».
« Une réponse publique lucide »
Tout un chapitre est d’ailleurs réservé à l’éducation, « classes surchargées, retards scolaires, illettrisme, taux d’échec record : en matière d’éducation, Mayotte fait aussi figure d’exception », où on apprend qu’ « en 2014, 100.400 Mahorais de 15 ans ou plus avaient quitté le système scolaire ou n’avaient jamais été scolarisés ».
Dans un communiqué ce jour, le député Mansour Kamardine s’insurge contre ce « remplacement de la population » : « Les Mahorais sont chassés de chez eux par la pression démographique étrangère, l’inégalité sociale et l’impossibilité d’y construire un avenir professionnel pour tous. »
Le député appelle à « une réponse publique lucide » pour « mettre fin au remplacement de la population, maintenir à Mayotte les natifs qui le souhaitent, faire du 101ème département le principal levier de développement économique de la sous-région ». Avec 5 axes principaux, « une lutte contre l’immigration clandestine en mer et sur terre d’une très grande fermeté, des adaptations législatives et réglementaires collant aux spécificités locales*, la construction d’infrastructures indispensables au développement économique de Mayotte afin de permettre des créations d’emplois pour une importante jeunesse (piste longue, 3eme quai au port de Longoni, routes, haut débit etc.), le développement d’une école de qualité et de structures de formation professionnelle adéquates (Université de plein exercice, IUT, BTS, CFA…), la définition d’un calendrier accéléré d’alignement social sur le droit commun permettant la création d’emplois de services à la personne et le maintien à Mayotte des personnes concernées par les minima sociaux (handicap, difficultés d’insertion etc.).
Rajoutons qu’il faut bien entendu observer les effets de l’évolution de l’adaptation du droit du sol.
A.P-L.
* Aménagement du regroupement familial pour supprimer l’effet de levier, suppression du titre de séjour d’exception en vigueur qui bloque les clandestins régularisés à Mayotte, interdiction des régularisations de clandestins à partir du sol mahorais
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