Jusqu’à présent, le programme de rénovation urbaine de Kawéni-Mamoudzou en restait au stade de concept : il fallait cerner les quartiers, les volontés de la population, budgétiser le tout, etc. La première tranche va maintenant débuter avec 30 millions d’euros débloqués par l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), un montant revu à la baisse, puisqu’il était initialement de 70 millions.
Si l’Agence est toujours bien présente, veut rassurer sa représentante Véronique Girard, « les montants vont accompagner toutes les tranches du projet », elle nuance, « tous les autres types de financements doivent être sollicités. » La Caisse des Dépôts entre autre, mais qui ne prend pour l’instant en charge que le poste de chargé de mission.
Dominique Fossat, le sous-préfet à la cohésion social, se veut rassurant : « Si on prend tout en compte, les financements Etat, notamment du vice-rectorat, et européens, on pourrait atteindre 200.000 euros ».
Il faut avant tout y voir clair, et pour Gaétan Alary, Chef de projet de l’agence « La Fabrique Urbaine », il est urgent de ne pas se presser, et d’évoluer par étape : « Il ne faut pas dresser trop tôt un plan d’ensemble, quand la ville essaie de trouver des pistes pour maîtriser le développement urbain ». C’est le problème que pose Mayotte à l’ANRU, plus habituée à intervenir sur des situations claires en métropole, que sur des zones où des cases en tôles continuent à s’installer contraignant à réviser perpétuellement le périmètre.
Des drones en veille
C’est pourquoi, Dominique Fossat invite à travailler en priorité sur les zones qui font consensus, « et en se basant sur l’expertise de la rénovation urbaine du quartier de Mgombani, véritable vitrine pour la ville de Mamoudzou. »
Les deux problématiques, « l’ampleur » de la zone à rénover, « qui avoisine les 240 hectares, contre les 15 hectares de Mgombani », et sa « spécificité » par rapport aux renouvellements urbains traditionnels, incitent donc à « aller chercher ces financements complémentaires. »
Primo, pour stopper l’extension de l’habitat illégal, la préfecture propose les mêmes moyens « et même au delà », que ceux utilisés pour surveiller la zone expérimentale de la mangrove de Dembéni, « qui bénéficie d’une surveillance rapprochée, notamment à l’aide d’un drone, et une réaction rapide des services de lutte contre l’immigration clandestine. Il faut fixer une ligne rouge. »
Ensuite, il faut détruire l’habitat insalubre existant, « en priorité ceux installés dans la ravine qui sont en situation de danger », et proposer un relogement. Problème, « sur les 2.400 habitats précaires, 60% des occupants ne sont pas éligibles aux dispositifs existants », relève Stéphanie Boudard, directrice du Projet de Rénovation Urbaine de Kawéni. Il s’agit pour beaucoup de parents d’origine étrangère avec des enfants français.
Premières pistes d’infrastructures
Deux solutions sont avancées, « relever le défi de l’auto-construction », c’est à dire proposer des schémas de bâti à moindres coûts, à coréaliser par des professionnels et par les habitants, et/ou trouver des accompagnements financiers inédits, « le Fonds social européen est une des pistes. »
Le sous-préfet appelait à proposer une visualisation rapide de l’expérimentation de ce nouveau type de bâti, une sorte de « maison témoin ». En réponse, l’architecte David Cheyssial annonçait devoir rendre un premier travail fin janvier, « pour une maison témoin au 1er trimestre 2019. Nous travaillons sur de la location et en terrain communal, et sur des procédés les moins coûteux possible. » Une structure de bois et métal est à l’étude, avec des aménagements modulables en fonction de la taille de la famille.
Les quatre quartiers de Kawéni retenus répondent quasiment aux priorités énoncées ci-dessus, protection du foncier libéré par l’expulsion pour réaménager : Lazerevouni, Bandrajou, où il est prévu d’implanter 1.000 logements, la Zone scolaire, où il faut surtout réhabiliter les équipements scolaires, sportifs et loisirs, et en implanter de nouveaux avec un réseau routier adapté et en collaboration avec le vice-rectorat, et le quartier SPPM, qui comprend le Parc à zébus, et où doit notamment être aménagé un parking et un marché, « ainsi que la future station d’arrêt de réseau de transport urbain. »
Certains quartiers comme Bazama sont partiellement délaissés, pour ne pas correspondre aux modes de fonctionnement de l’ANRU.
Les acteurs se heurtent donc à la réalité mahoraise, ce qui doit encore une fois, forcer à trouver des solutions et des financements adaptés. Des pistes qui pourront se décliner ensuite sur l’ensemble du territoire.
Anne Perzo-Lafond
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