Face aux embouteillages grandissants, à la nécessité de proposer une alternative à la voiture, et pour ceux qui n’en ont pas, un moyen de transport accessible, la mairie de Mamoudzou avait dressé les grandes lignes d’un projet de transport en commun en 2010, repris en 2016 par la CADEMA, dans le cadre des transferts de compétence. Une première subvention dans le cadre d’un appel à projet Grenelle de l’environnement, avait été octroyée. Un prestataire, Narendre, a été retenu pour mettre en œuvre ce chantier.
L’objectif final est d’offrir un transport en commun viable et intermodal à l’ensemble des habitants de l’île. Il faut pour cela qu’émerge le projet de transport en commun interurbain du Département, et en le connectant avec celui de la CADEMA, « un habitant de Kani Keli pourra se rendre à l’aéroport, avec un unique ticket, comprenant les transports terrestres et maritimes », avance Mohamed Hamissi, Chef de projet Caribus. Avant d’accéder à ce rêve, la CADEMA se concentre sur son propre projet qui avance. Sur le Grand Mamoudzou, le bus aura sa propre voie de circulation. Sur le plupart du tracé, il y aura donc 3 voies, dont une dédiée au transport en commun.
Le projet de la CADEMA définit 4 lignes, la 1ère, la colonne vertébrale, relie le rond-point Jumbo à Passamainty, avec 17 stations, et 3 pôles d’échange sur lesquels peuvent se rejoindre plusieurs modes de transport. « Les stations seront abritées du soleil et de la pluie, et seront connectées au wifi », détaille le cabinet Narendre, chargé par la CADEMA de mettre en place le projet. Les parcs relais permettront aux automobilistes de laisser leurs véhicules. « Il y aura également des pistes cyclables et piétonnes. » Les 3 autres lignes relient, Passamainty à Dembéni, pour la 2nde, Mtsapéré à Cavani stade, pour la 3ème, et Passamainty à Vahibé, pour la 4ème.
Regain d’intérêt pour la Grande Traversée
Les dessertes commenceront à 5h30 pour se finir à 20h, environ, en fonction des lignes, avec une amplitude de 10mn (ligne 1) à 20mn entre deux passages.
Un projet de 145 millions d’euros, qui sera financé sur du fonds européen FEDER, du Contrat de projet Etat Région, sur des fonds Grenelle et sur de l’autofinancement CADEMA. L’enquête publique et les travaux commenceront au mi-2019, « pour une mise en service en 2022, un projet ambitieux ! », reconnaissent les auteurs.
Et qui devraient emporter l’adhésion de tous. S’il séduit en façade, plusieurs entreprises émettent des réserves, voire des doléances. Il y a ceux qui reprochent un manque de transparence, « nous n’avons jamais été associés à l’élaboration du tracé », quand d’autres, comme le directeur d’exploitation de Sodifram, voulait porter une parole teintée de méfiance : « Nous somme très inquiets du devenir de la Grande Traversée (route qui relie le rond-point SFR à la Colas, ndlr), qui se transforme en sens unique pour réserver une voie aux bus. Vous utilisez donc une route que vous n’avez jamais entretenue en la considérant comme privée quand il fallait boucher les trous ! » Il évoque des difficultés d’accès pour ses salariés. A noter qu’on assiste aux mêmes réticences que lors de la mise ne place des transports en commun en métropole, Bordeaux et son tramways en sont un exemple.
Un projet créateur d’emplois
Une attaque à laquelle s’attendait manifestement Mohamed Moindjié, qui opposait l’intérêt général à cette somme d’intérêts particuliers, « Mayotte ne se construit pas en fonction des intérêts de Sodifram, mais de l’intérêt général. Pour y parvenir, il faut parfois sacrifier des intérêts particuliers. Et nous avons déjà eu une réunion à ce sujet. »
Le tracé reliera la zone Nel à partir de la route de la Grande traversée, que les bus emprunteront pour revenir par la nationale, ce qui nécessitera de passer par le terrain de la Colas, « notre dépôt est coupé en deux avec ce tracé ! », reproche Vincent Delaître, directeur de la Colas.
Mohamed Moindjié lui rétorque que l’entreprise de BTP sera plus gagnante que perdante sur un investissement à 145 millions d’euros, et les marchés qui vont être passés. Il évoque une vie économique qui pourra s’implanter « le long du trajet », et sur une île à 84% sous le seuil de pauvreté, invite à faire la part des choses, « il faut créer de la richesse qui doit être mieux répartie. »
L’élu entend les plaintes, « les contraintes seront prises en compte », rajoutait-il, « mais le temps presse sur ces questions de circulation. Or, vous le savez mieux que moi, le temps c’est de l’argent. Notamment, pour vos employés coincés dans les embouteillages. »
Anne Perzo-Lafond
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