Les manifestations contre la vie chère remplissent régulièrement les rues des territoires ultramarins. Le manque de concurrence sur des territoires parfois exigus et éloignés d’une métropole dont ils ont les standards, les privant d’importer des territoires de leurs zones, sont les caractéristiques de ce contexte.
Pour aggraver le tout, des abus font grimper les prix au delà du raisonnable dans certains secteurs. Dans son rapport de 2009, il y a donc 10 ans, mené dans l’ensemble des outre-mer à la suite des émeutes en Guadeloupe, l’Autorité de la concurrence constatait que « sur un échantillon d’environ 75 produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés, un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l’octroi de mer ».
Surtout, l’Autorité identifiait plusieurs particularités des circuits d’approvisionnement des marchés domiens « permettant aux opérateurs de s’abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur domien ».
Les tarifs portuaires à la loupe
En juin 2018, elle a de nouveau été saisie par le gouvernement d’une demande d’avis concernant les importations et la distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. Des missions de rapporteurs se rendent donc dans l’ensemble des outre-mer, ils étaient à Mayotte la semaine dernière. « Cela permettra d’avoir un comparatif d’évolution des prix par rapport au précédent avis donné en 2009, à la suite des manifestations de 2008 aux Antilles », nous explique Yannick Le Dorze, Chargé de la communication à l’Autorité de la Concurrence.
Pas seulement un comparatif, puisque l’Autorité devra analyser « les causes susceptibles d’expliquer le maintien d’un différentiel de prix par rapport aux marchés métropolitains », surtout avec un différentiel aussi important. Et que ce ne soit pas une seule constatation, mais que des enquêtes, qui avaient été annoncées en 2009, soient menées.
Le fonctionnement des marchés de détail est examiné, ainsi que le transport maritime et les services portuaires, « dont le coût a un impact non négligeable sur les prix de revente des marchés de détail ». Ce qui explique leur passage au port de Longoni.
« Des marges qui dépassent 100% »
Pour mémoire, en 2009, un constat sévère avait été dressé : une concurrence insuffisante dans les marchés de détail et de gros à dominante alimentaire, avec « un niveau de concentration élevé », « les pratiques d’exclusivités territoriales liant fréquemment fabricants et importateurs », aboutissant à des marges commerciales « conséquentes », « qui oscillent entre 20 et 60 % pour un nombre élevé de références, voire approchent ou dépassent 100 % ».
Avec des préconisations à l’époque : Réprimer d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles, notamment à l’issue d’enquêtes, Fluidifier le jeu concurrentiel en supprimant les barrières réglementaires à l’entrée et en améliorant l’information du consommateur, Mutualiser les circuits logistiques (notamment sur la segmentation de l’approvisionnement qui permet de cumuler les marges), Revoir les dispositifs d’aides aux entreprises locales.
Mais aucun bilan n’a été dressé de leur mise en œuvre. Des corrections avaient été apportées, « Nous allons évaluer les effets de la lois Lurel sur l’interdiction des importations exclusives et de la loi égalité outre-mer », complète Yannick Le Dorze, qui nous indique que les rapporteurs de l’Autorité de la Concurrence a effectué « 8 auditions à Mayotte des acteurs économiques et de la société civile ».
Espérons que tous les éclairages seront mis à disposition des consommateurs.
Anne Perzo-Lafond
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