La tendance est à une très faible inflation annuelle à Mayotte, 0,3%, inférieure à celle de la France (hors Mayotte), 1,8%. On est loin de la tendance antérieure à 2015 où la hausse des prix était systématiquement supérieure à celle de la métropole. Une évolution que Jamel Mekkaoui, Directeur de l’antenne locale de l’Institut National des Statistiques et des Etudes économiques, explique par une « structuration du marché », et notamment l’arrivée de grande enseignes comme Tati pour l’habillement, et l’impact des taux d’octroi de mer. Notons également que le pouvoir d’achat des mahorais a marqué un pallier à la fin du rattrapage du SMIG net sur le SMIC métropole.
Mais attention, faible hausse des prix ne signifie pas prix bas, « on assimile souvent à tort les deux. Si un écolier qui avait une moyenne de 1/20 passe à 2/20, ses notes auront monté de 100%, mais il n’est pas bon pour autant. » Et nous le verrons, la psychologie du consommateur est une donnée importante : « Une baisse de prix, on l’oublie vite. On retient plus facilement une augmentation. »
Il faut aussi analyser l’évolution des prix par secteur car une stagnation de prix peut cacher deux évolutions contraires, c’est d’ailleurs le cas. Avec quelques nouveautés à Mayotte.
“L’effet bœuf” de la mobilisation sociale
Nous avions évoqués les tendances à la hausse : les produits alimentaires (+2,9%) et les services (+1,5%). Les premiers concernent le riz, qui suit la tendance mondiale, et aussi le poulet et le bœuf. Pour ces viandes, on a moins d’explications : « Elles ont augmenté à la fin de la mobilisation sociale de mars. Si l’ensemble des prix n’a pas flambé, contrairement à ce qu’on aurait pu craindre en raison du blocage du port, ces deux aliments ont vu leurs prix s’envoler sans raison. » Les produits frais subissent une hausse régulière chaque année, +3,6% en 2018, là encore, sans véritable raison, il sera intéressant d’observer le calcul des marges dans ces secteurs.
En matière de Services, si les prix de l’aérien tirent la tendance vers le haut, +1,5%, « ils avaient diminué l’année dernière avec la mise en place de la liaison directe vers Paris », ils ne sont plus seuls, ceux de la restauration font mieux, +2%. « C’est nouveau, ils restent plus faible qu’en métropole ou qu’à La Réunion, mais ils correspondent à une demande croissante, qui n’existait pas il y a 10 ans, et qui s’est accru avec la hausse du pouvoir d’achat. Nous ne sommes plus dans la tradition de la gamelle à midi sur son lieu de travail, mais aux repas dans un brochetti ou aux déjeuners d’affaire. »
Les prix de l’énergie ont suivi le contexte mondial, mais moins que proportionnellement, « ils n’ont augmenté ‘que’ de 3,4%, contre 9,7% en France. »
Les tendances à la baisse sont à regarder dans les produits manufacturés, -4,2%, habillements, meubles et véhicules. Les prix de l’habillement (-8,3%) s’infléchissaient déjà lorsque les marques Tati, puis Jennifer se sont installés, accentuant la tendance, « c’est la 5ème année de baisse. » En ce qui concerne l’automobile (-4,2%), il faut y voir un effet bénéfique de la baisse des taux d’octroi de mer, « qui ont été répercuté à la vente, il n’y a donc pas eu d’effet marges », constate Jamel Mekkaoui.
Un panier 10% plus lourd ici
En additionnant ces hausses et ces baisses, on obtient donc une petite croissance générale de 0,3% sur 2018, mais qui n’impacte pas de la même manière tous les portefeuilles.
Intuitivement, on se doute que les petits revenus vont être davantage touchés par une hausse de l’alimentaire, et moins par les billets d’avion qu’ils ne peuvent pas se payer : « Nous avons calculé le poids de l’alimentaire dans le portefeuille du Mahorais moyen : il est de 26,2% contre 16% dans celui du Français moyen (hors Mayotte), la hausse régulière des prix de l’alimentaire va donc davantage l’impacter. » Les services, également en hausse, contribuent pour 36%, et les produits manufacturés, prés de 30%. « Peu d’habitant fument à Mayotte, la population n’est donc pas trop touchée par la hausse de 7,4% ».
En ce qui concerne l’impact de ces variations, il ne faut pas négliger là encore le facteur psychologique : « La majorité des prix qui baissent sont des produits d’achat rare, donc on ne les perçoit pas. Difficile de comparer le prix de votre nouvelle voiture, avec la précédente, vous ne verrez donc pas que les prix ont baissé. Par contre, dès que les produits de consommation courante augmentent, comme le poulet, on le voit tout de suite. »
Et en parlant de poulet, il a laissé sa place de leader dans les brèves de comptoirs : « On parle moins des prix des mabawas, mais davantage des prix d’Air Austral, ce qui traduit l’émergence d’une évolution du type de consommation. »
L’étude des prix est menée chaque mois sur 1.200 biens et services dans 150 points de vente par deux enquêtrices.
Anne Perzo-Lafond
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