Même si dans l’imaginaire collectif, on était déjà à cette proportion de la moitié de la population d’origine étrangère, pour sa première présentation de l’exploitation des résultats du recensement 2017, Jamel Mekkaoui, directeur de l’Institut National des Statistiques et de Études Économiques (INSEE) Mayotte, savait qu’il allait lâcher une bombe : nous passons du taux de 40% de population étrangère sur le territoire en 2012, à 48% en 2017. Sur les 256.518 habitants, 123.000 sont donc de nationalité étrangère, dont 95% de Comoriens, 4% de Malgaches, et 1% de reste du monde, des Africains des Grands Lacs pour la plupart. Un taux qui a pu augmenter depuis 2017.
Les 48% d’étrangers sont nés pour un tiers d’entre eux à Mayotte, soit 40.626. Eux sont donc directement concernés par la question du droit du sol, qu’ont fait évoluer les « amendements Thani ».
La moitié des 123.000 étrangers sont en situation irrégulière, selon une estimation qui date de 2015.
« Il n’y a aucun territoire en France où ce ratio d’étrangers dans la population est d’une telle nature », constate Jamel Mekkaoui qui rapporte les statistiques métropolitaines de 6,5% d’étrangers, 23% en Seine-Saint-Denis, et 35% pour la Guyane, qui est souvent comparée à Mayotte, donc à tort pour son ampleur.
Moins d’arrivées de métropolitains
Sur le pays de naissance des habitants de Mayotte, 42% n’y sont pas nés, (36% sont natifs de l’étrangers, 6% de métropole), et cette proportion est plus forte chez les adultes : ils sont 55% à être nés à l’étranger, contre un quart seulement chez les mineurs. Les jeunes sont donc essentiellement nés à Mayotte, contrairement aux adultes.
Cette « recomposition » de la population, constaté par l’INSEE, s’explique par les flux migratoires : « De nombreux adultes et leurs enfants arrivent des Comores, 32.500 personnes de 2012 à 2017. Ils ont été quasiment compensés par les départs de natifs de Mayotte. » Avec pour la première fois, un solde migratoire positif, c’est à dire qu’il y a eu plus d’arrivée que de départs. Il y a également une baisse d’arrivée des natifs de métropole, -1.000, qui sous tend l’absence d’attractivité de l’île. Ce sont les 15-24 ans qui quittent l’île pour aller étudier.
Le solde migratoire est porté par les femmes, « il y a 6.000 femmes de plus », ce qui explique un taux de fécondité en forte hausse, « 5 enfants par femme en 2017 », porté par les comoriennes qui accouchent chacune de 6 enfants en moyenne, contre 3,5 enfants par femme née à Mayotte. Ce dernier taux augmente malgré tout, puisqu’il était de 3,1 en 2012, légitimant la politique publique portée par l’ARS.
Flux migratoire et taux de fécondité explique la jeunesse de la population, d’un âge moyen de 23 ans en 2017. La moitié de la population a moins de 18 ans, pas d’évolution donc, 3 habitants sur 10 ont moins de 10 ans. Donnant une forme de Pays en voie de développement à la pyramide des âges.
Nous reviendrons sur l’impact de ce flux migratoire sur la qualité de l’habitat.
Un chiffre de 48% donné pour 2017, et qui devrait donc évoluer, dans un sens ou dans l’autre, si l’on considère les évènements marquants en 2018. Une année où les reconduites ont chuté de 25% en raison de leur suspension vers les Comores, mais une année d’annonce de fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine pour 2019, et surtout, d’évolution future du droit du sol.
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.