Le sismologue Wayne Crawford, Directeur de recherche au CNRS, Affecté à l’Institut de Physique du Globe de Paris, Responsable du parc Sismomètres fond de mer INSU-IPGP, l’Ingénieur de recherche au CNRS Romuald Daniel, et Simon Besançon, Ingénieur d’Etudes CNTS affecté à l’IPGP, ont embarqué à bord de la barge Ylang de la société locale SGTM ce samedi 23 février, pour larguer 6 sismomètres de fond de mer (OBS) au centre et sur les pourtour de la zone de séisme.
« Le choix des emplacements a été dicté par les indication de foyers de séismes produits par les réseaux de mesure locaux et internationaux, et pas l’identification de zone planes de bathymétrie, susceptibles d’accueillir nos appareils », expliquait Wayne Crawford lors d’une conférence de presse.
Véritable couteaux Suisse, les appareils sont dotés de nombreux instruments de mesure en plus de ceux qui équipent traditionnellement un sismomètre de fond de mer. Y ont notamment été rajoutés un hydrophone et un instrument de mesure de gonflement. « Ce dernier a été posé par l’Université de La Rochelle pour mesurer la pression. S’il s’agissait d’un volcan avec une chambre magmatique qui déverse du liquide, le capteur remontera, et enregistrera une moindre pression. »
Le sismomètre donne l’information selon les 3 dimensions, les 3 axes spatiaux. C’est par sa « tête acoustique » que le sismomètre va enregistrer les secousses, et c’est par elle que l’équipe qui reviendra dans six mois pour les relever, fera remonter le sismomètre, « il suffira de lui faire lâcher le bloc en béton qui le maintient au fond. »
Mayotte s’est déplacée de 12 à 14 cm vers l’Est
Comme le montre la carte, deux ont été déposés à l’ouest de la zone d’épicentre, « autour de 1.600 mètres de profondeur, selon la pente du volcan qui a donné naissance à l’île de Mayotte », deux à l’est, « autour de 3.500 m de fond », l’un au nord, et le 6ème, au cœur de la zone de séismes. Ils ne sont pas équipés de caméras, « on ne le fait pas d’habitude, et là, il y a trop d’incertitudes sur la zone exacte d’épicentre ».
Il est possible mais peu probable qu’ils soient récupérés avant 6 mois pour un premier relevé. Mais à partir du moment où ils seront de nouveau à bord, « nous savons à 10 mètres prés où ils sont », les relevés seront exploités le plus rapidement possible, « il nous faudra environ un mois pour produire les premières informations, puis nous affineront ensuite. » Des données très attendues, « 44 sismologues travaillent en France sur l’essaim de séismes Mahorais », rapporte Etienne Guillet, le directeur de cabinet du préfet, qui pourrait finir par embrasser une carrière scientifiques, à force de couvrir séismes et météorites…
On se souvient que l’hypothèse d’un fluide magmatique avait succédé à celle d’un frottement de plaques tectonique, à la suite d’une onde atypique enregistrée le 11 novembre 2018 et qui avait fait le tour de la Terre, et de l’observation de déplacement de l’île de Mayotte de 6 cm vers l’est, et de son enfoncement de 7cm. Un phénomène qui se poursuit, « sans s’accentuer », indique Frédéric Tronel, Directeur du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), puisque nous sommes maintenant à « un déplacement de 12 à 14 cm vers l’Est, et un affaissement de 10 cm » depuis le mois de juin. Il faut intégrer les 2 cm de déplacement « naturel », « lié aux mouvements techniques en particulier du Rift africain. »
Le BRGM se lance sur le web
Mais pour les trois scientifiques poseurs de sismomètre maritimes, on ne peut rien déduire aussi facilement : « Pour savoir de quoi il retourne, il faut aller à la source. » C’est d’ailleurs ce que de nombreux habitants avaient demandé lors de la visite d’une première mission à Mayotte il y a quelques mois. Wayne Crawford poursuit : « Les secousses que nous avons ressenties ce mardi soir, ne nous permettent pas de pencher pour une thèse en particulier, car tout ce qu’il y a entre l’origine de l’onde et sa réception, perturbe. Et hier au soir, je n’ai pas entendu l’onde P, je n’ai pas entendu de bruit avant la secousse. »
Dans quelques temps, plus besoin de conserver l’appli des sites internationaux sur nos portables, indique Frédéric Tronel : « Nous allons proposer un outil web de prévision automatique avec des données locales. » Merci aux sismomètres de fond de mer qui auront permis cette avancée.
Pas d’observation de poissons morts au dessus de la zone par contre, notent les scientifiques.
D’autre missions sont programmées, informe Etienne Guillet : « La prochaine menée par L’institut Physique du Globe de Strasbourg, portera sur la pose de 3 sismomètres à larges bandes à Kani Keli, Mtsamboro et Pamandzi, et des capteurs géodésiques. » Des missions financées par l’Etat, qu’aura notamment obtenues la préfecture de Mayotte, pour un montant de 420.000 euros.
Une campagne maritime de bathymétrie par le Marion Dufresne est toujours dans les tuyaux, « pour évaluer les impacts éventuels de ces séismes », mais sans date précise pour l’instant.
Anne Perzo-Lafond
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