Avant de quitter le territoire ce vendredi, Olivier Noblecourt, Délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, a visité la Croix Rouge et l’association « Espoir et Réussite de Doujani ». Distribution d’aide alimentaire chez le premier, et témoignage sur les thèmes de la parentalité, du soutien scolaire et de la médiation sociale, pour la seconde.
Ecole du civisme, soutien scolaire pour les jeunes, école des parents pour les adultes, lutte contre l’illettrisme : le multicarte Tony Mohamed qui porte Espoir et réussite a même rajouté une corde environnementale à son arc avec le dispositif Espaces Verts, dans le cadre de la réussite éducative. Parti de la seule idée en 2014 que enfants et parents devaient être conjointement accompagnés, il peut désormais compter sur 21 bénévoles, qui gèrent 150 jeunes et 120 parents. « Grâce à vous, des familles ont commencé à perdre leurs mauvaises habitudes, vous avez redonné paix et espoir au quartier de Doujani », témoignait Ahamed Fadhul, présenté comme un « grand notable ».
Face à Olivier Noblecourt, des parents qui témoignent des motifs qui les ont poussés à rejoindre l’association, « par honte de me faire traduire à chaque fois que j’allais chez le médecin, et pour comprendre mes papiers administratifs. Et aussi pour mes enfants », et des jeunes, dont l’une se retrouve dans l’impasse après un CAP, « il n’y avait pas de place en Bac Pro », ou qui, à 16 ans, continue à apprendre à Espoir et réussite, « je suis à la recherche de mon école ».
Des cas particuliers dont la somme alerte Olivier Noblecourt, « la situation est très difficile à Mayotte », répètera-t-il à plusieurs reprises. Il a déjà des réponses à apporter à un système scolaire « qui se termine en entonnoir. Il faut élargir les possibilités de sortie par l’apprentissage et la formation. »
Des délais précis
Un diagnostic que plus d’un avant lui ont fait. Nous lui avons donc demandé quelles voies il allait suivre. « Ma méthode repose sur l’ingénierie, il y a de gros besoins. Nous alons donc dégager des moyens à cet effet, et notamment pour la formation professionnelle ». Sur ce sujet, et devant les jeunes d’Espoir et réussite, il expliquait qu’une loi votée en février dernier en première lecture à l’Assemblée nationale, porte de 16 à 18 ans l’âge obligatoire de formation, « il y a un besoin criant d’accompagnement de la tranche 16-18 ans. »
Ses priorités vont aussi à l’aide alimentaire, « il y a un gros sujet de dénutrition infantile, notamment avec un travail avec les communes sur la prestation versée pour fournir un repas dans le milieu scolaire. » Autre axe, la parentalité.
Dans quels délais et avec quels moyens ? « Les acteurs du social ont travaillé pendant un mois et rédigent actuellement une feuille de route, évoquée lors de la Conférence régionale des acteurs, elle doit être remise en juillet.
Je peux déjà indiquer que plus d’un million d’euros supplémentaires, je dis bien en plus des crédits déjà engagés, sera débloqué pour Mayotte au titre de la Stratégie pauvreté. Le préfet et le 4ème vice-président du conseil départemental devront décider conjointement de son affectation. Pour cela, le conseil départemental devra délibérer pour être efficace de suite après leur affectation. L’Etat va aussi proposer des moyens supplémentaires à des acteurs engagés. » On pense à ces associations qui assurent le ciment social dans plusieurs quartiers.
Ne rien taire
Un geste politique inédit, et une implication forte pour commencer à gérer la situation actuelle, mais qui ne doit pas faire oublier les arrivées incessantes de kwassas, avec son flot de migrants venus chercher un avenir meilleur : « La première des priorité, est la lutte contre l’immigration clandestine qui met à mal le modèle social sur ce territoire. Sinon, et je l’ai dit, c’est le tonneau des Danaïdes, et l’effort sera dilué. Mais on ne peut pas réduire le concept de pauvreté à l’immigration clandestine ici. J’ai vu à la Vigie, des mahorais en situation de pauvreté. Ils attendent une réponse. »
La preuve que la stratégie qui consistait il y a 10 ans à cacher la misère sous le tapis à chaque visite officielle, notamment à grands coups de bitumage des routes, n’était non seulement pas la bonne, mais a contribué à conforter les politiques que les besoins n’étaient finalement pas criants à Mayotte. Pendant ce temps là, la situation empirait.
La stratégie préfectorale a changé, « je suis bien décidé à tout montrer à nos visiteurs », nous avait glissé Dominique Sorain lors de la visite du président de l’ANRU sur les hauteurs de Majimbini à Majicavo Koropa. Le préfet aura en charge de nommer auprès de lui le référent pauvreté.
Avant de quitter Mayotte pour La Réunion, Olivier Noblecourt tient à nous répéter ses priorités : « L’amélioration de l’ingénierie et la production de concret tout de suite. »
Anne Perzo-Lafond
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