Difficile de raconter une rando, particulièrement celle des crêtes de Bandrélé, où les cinq sens sont en éveil. Et c’est bien parce que vous n’aurez pas forcément la chance d’avoir avec vous Sidi Naouirdine, Agence Française de la Biodiversité, encyclopédie vivante de la flore locale, Emilien Dautrey, Gepomay, son équivalent pour les oiseaux, que nous revenons sur les moments forts de la balade inaugurale de samedi dernier.
Pour cet investissement de 236.000 euros, le maire de Bandrélé Ali Moussa Moussa Ben avait sollicité l’Europe, le fonds FEADER participe à 75% (177.000€), laissant à la charge de la commune 16,4% (38.704€), et le Conseil départemental 8,6% (20.296€). Une fierté pour l’édile : « C’est l’aboutissement d’un travail de 3 ans avec la Direction de l’Agriculture, et la preuve que des dossiers ficelés décrochent des fonds européens. Nous sommes une commune en marche ! »
Ce sont désormais des aménagements qui relèvent de la compétence de l’Interco, créée entretemps, qui a donc dû déléguer à la commune pour l’occasion. Une Communauté des communes du sud qui poursuit d’autres projets, comme l’expliquait son président Abderemane Saeva, lors des discours de samedi : « Nous avons signé une convention de mandat à la mairie pour ce sentier, et sur le projet du ponton de Nyambadao. Mais nous poursuivrons la 2ème phase d’aménagement de Musical Plage. Nous adoptons cette démarche pour toutes les communes porteuses de projets avancés. »
Un sentier arpenté
Pour le conseiller départemental Issa Issa Abdou, ce n’est qu’un début, « le tourisme vert, c’est notre avenir à Mayotte ».
Avant de se « mettre en marche », selon les propos du préfet Dominique Sorain, ce dernier rappelait les multiples intérêt de cette réalisation : « D’abord, elle a utilisé le dispositif d’emplois d’insertion de personnes éloignées de l’emploi. Ensuite, les habitants de Bandrélé peuvent profiter de leur paysage et s’approprier la défense de l’environnement, et vous avez déjà plusieurs associations qui œuvrent au quotidien contre les brûlis et le braconnage de tortues. »
C’est vers une « balade des gens heureux, balade des amoureux », telle que la voit Issa Abdou, que tous allaient s’élancer. Pour que cela le reste, nous interpelions le président de l’Interco sur la question sécuritaire qui travaille tout le monde : « Une brigade de l’environnement va être montée, avec 3 policiers, et deux brigadiers, ils vont gérer la prévention et la répression, puisqu’assermentés, et bénéficieront de moyens terrestres et maritimes. La police municipale sera aussi présente, en partenariat avec la gendarmerie, et une vingtaine d’ambassadeurs de l’environnement arpenteront des portions de sentiers. Enfin, nous allons déplacer sur le site le dispositif sécuritaire testé sur les plages pendant les deux dernières vacances », tout en appelant malgré tout à la prudence, « de toute façon, il vaut mieux randonner en groupe. »
Voyage dans l’Histoire
C’est depuis la mairie que s’élance le sentier qui était il y a 3 siècles, une voie d’échanges commerciaux, « le village de Bandrélé était implanté en hauteur, une protection contre les razzias malgaches arrivant de la mer », commente Sidi Naouirdine. La portion traversée au départ se nomme « Kavani », textuellement « l’endroit où il y a des cultures ». L’île regorge donc de Kavani.
Nous sommes sur le « sentier des guêpiers », du nom du Guêpier de Madagascar, que nous n’aurons pas la chance de voir… C’est toute la limite d’un déplacement en gros groupe ! Sous nos pieds, quelques débris de poterie, « des tessons, signe d’anciennes habitations ».
Le petit groupe, Dominique Sorain en tête, s’arrête sous un solide baobab qui borde le sentier, « un Digitata kapokier, une des deux espèces à Mayotte, contre huit à Madagascar ». Et si on ne croise que rarement des baobabs miniatures dans la nature, c’est que leur reproduction est complexe, « cela doit passer par des excréments », pour favoriser la germination de la graine.
Un oiseau nommé Smartphone
Un peu plus loin, un tamarin, utilisé contre les troubles digestifs, « il donne la bave du diable », puis une forêt de tacamaca, « les femmes se servent de sa résine pour s’épiler », commente l’infatigable Sidi Naouirdine. Tout au long du chemin, les gazouillis de souimangas et de Courols Malgache. Si vous n’avez pas la chance de les entendre, pas de problème, le numérique vole à votre secours: approcher votre écran de Smartphone du QR code affiché sur les panneaux, et c’est comme si un Zosterops était niché au creux de votre épaule. Au fait, si cet oiseau à bec jaune que vous appelez mainate ne sort pas un mot, ne vous énervez pas, c’est en fait un Martin triste, une espèce introduite par l’homme à Mayotte.
Des portions de padzas à terre rouge exhalent une forte odeur de métal chauffé, « certains sont particulièrement dense en fer », souligne notre guide.
Et puis, c’est l’arrivée au faré, avec une vue panoramique sans équivalent, sur l’anse de Bambo et la pointe de Saziley.
De l’autre côté la descente permet des traversées à couvert de forêt très dense, un vrai bol d’air frais par cette chaleur de milieu de matinée. La vue sur la baie de Bouéni au cœur de laquelle se niche le village de Karoni et son îlot, des témoins du passé, « c’est un ancien village portugais », parmi les premiers européens à faire escale à Mayotte vers de XVIème siècle.
Une chance que d’inaugurer ce sentier en grande pompe, puisqu’une halte nous réservait la surprise d’une table de roi, avec noix de coco fraiches, melon, orange, madeleines et jus de fruits frais.
A user et abuser de vos baskets sur cette rando qui vous permet aussi de poursuivre vers le mont Bénara ensuite, compter 3 heures pour monter depuis Bandrélé.
Anne Perzo-Lafond
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