L’artiste et réalisatrice Christine Coulange vient de terminer trois années de résidence artistique à Mayotte. Un temps qu’elle a mis à profit pour immortaliser, en vidéo, divers pans de la culture locale. Le Debaa, la pêche au djarifa, les chants traditionnels et… la place croissante de la femme dans les pratiques ancestrales, sont autant de thèmes abordés pendant ce travail. Des réalisations qui viennent s’ajouter à ses œuvres précédentes, notamment le web-documentaire « Les ports, de la Méditerranée à l’océan Indien ».
Tout cela doit servir de « support à une plate-forme multilingue qu’on appellera médiathèque audiovisuelle de l’océan Indien (MAOI) » explique la créatrice.
« Cette plate-forme sera importante car les enjeux sont innovants, complète Jean-Louis Rose, responsable du pôle Culture du CUFR qui participe au projet avec le Muma et la DAC. Il y a l’aspect artistique, et une approche scientifique qui se traduit par la volonté d’archiver, de normaliser le patrimoine immatériel, et de donner à Mayotte une fierté d’appartenir à ce territoire. »
Autre enjeu, l’usage qui pourra être fait de cette plate-forme libre et publique. « Il est important de donner à nos étudiants des compétences pour qu’ils puissent se servir de cet outil numérique pour transmettre eux-même ces pratiques ». Le souhait du pôle culture est que « les étudiants soient impliqués ». Un vœu exaucé puisque l’artiste partait ce dimanche à Madagascar pour une semaine de tournage auprès de la population, avec deux étudiants, kibushiphone et shimaoréphone.
Derrière ce travail, Christine Coulange aimerait que les étudiants se saisissent de leur patrimoine et de la nécessité de le faire connaître en utilisant Internet. Par exemple « il n’y a aucune page Wikipedia en shimaoré ou en kibushi, l’idée c’est que les élèves se saisissent de l’outil, ce serait bien qu’il y ait les langues de Mayotte sur Wikipedia (…). Pour l’instant il n’y a pas grand chose en ligne, or, le Web est une façon de communiquer au bout du monde, c’est d’autant plus important pour une île comme Mayotte ».
Une démarche qui rejoint assez directement celle initiée par le Département avec ses tables rondes sur les langues maternelles de Mayotte. Un des projets dégagés de ces ateliers était la création d’une plate-forme en ligne pour immortaliser ces langues et aider à les normaliser.
Le projet de Christine Coulange se veut « une démarche parallèle et pas du tout indépendante de ces tables rondes, on attend que ça nous, que ces langues soient stabilisées, avec un dictionnaire en ligne etc. »
La plate-forme, qui devrait voir le jour fin 2020, sera dans un premier temps disponible en shimaoré, en kibushi, en français et en anglais. « Mais on ne cessera jamais d’ajouter des langues » promet la réalisatrice qui veut « faire vivre » le projet.
L’enjeu global sera de faire connaître les territoires de la zone par le biais de leur culture, notamment musicale, mais aussi de « transmettre un message à l’envers de la télé. Montrer la beauté, la richesse, le positif, et mettre en valeur des cultures qui ne sont pas mises en valeur. Montrer les différences et les similitudes en elles, aussi. Le côté insulaire donne l’impression de quelque-chose d’assez fermé, donc c’est aussi donner une dimension, montrer d’autres problématiques et les mettre à disposition, c’est multiple, et un peu à la carte » conclut-elle.
Un large outil, de portée mondiale, au service de l’ouverture d’esprit et de la rencontre de l’autre, ça ne peut que faire du bien. Prochaine étape, « trouver des financements».
Y.D.
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