Il y a à peine dix ans, quand un secrétaire d’Etat s’intéressait assez à Mayotte pour y passer quelques heures, c’était le branle-bas de combat, on mettait les petits plats dans les grands. Et quand il passait une nuit sur le territoire, c’était l’apothéose. En contrepartie, la réalité du territoire lui était souvent occultée. Peu à peu, les visites ministérielles se sont rapprochées, au point aujourd’hui d’avoir un ministre de l’Intérieur pour 3 jours à Mayotte. Du côté de l’accueil, on n’est pas loin de faire les difficiles. Certains préconisent même de rompre avec la tradition des m’biwi et bouquets de fleurs. Les mêmes qui libèreraient des logorrhées d’injures sur les réseaux sociaux si le ministre s’était arrêté à La Réunion, sans daigner jeter un cil à Mayotte.
Il faut savoir ce que l’ont veut. Et orner un invité de colliers de fleurs n’empêche pas de lui réclamer son dû.
Une preuve en tout cas pour les yeux du ministre de l’Intérieur, que l’exaspération de la population est encore vive et qu’il est temps que la réalité de Mayotte soit largement connue de Paris. D’ailleurs, c’est une grosse délégation qui est sur le territoire. Ils ne pourront que constater que la cocotte est toujours sous pression, alimentée par le feu nourri des kwassas qui continuent à toucher nos côtes.
Equipement de warrior pour les pafistes
Pour le collectif des citoyens de Mayotte, c’est l’interlocuteur idéal. Le choc de la rencontre ce dimanche n’a pas eu lieu, sans doute les services de l’Etat craignaient-ils à deux semaines d’intervalle, une ambiance digne du congrès des élus. Ce qui n’empêche pas sa porte-parole Estelle Youssouffa, de dresser un constat, toujours virulent. Centré sur un contexte qui n’évolue pas assez vite.
Du côté de la sécurité tout d’abord : « Les causes même de la mobilisation historique de l’an dernier sont toujours là: les coupeurs de route sont de retours, les bandes de jeunes sèment à nouveau la terreur dans les établissements scolaires et dans les rues, des crimes sanglants restent impunis et nous comptons les morts alors que vos services restent passifs. » Et de la lutte contre l’immigration clandestine ensuite : « Nos frontières sont toujours une passoire alors que vos services distribuent des titres de séjour d’exception à une échelle industrielle pour fixer les Comoriens à Mayotte (19322 titres de séjour délivrés à Mayotte selon le Préfecture en 2017). »
Avec des demandes en écho : « Augmentation massive et permanente des effectifs des forces de sécurité », « équiper Mayotte de bateaux ultra rapides, drones de surveillance maritimes, lunettes infrarouges, caméras piège, remorques éclairantes, éclairages mobiles haute puissance, des moto-cross pour patrouiller sur les plages et de camionnettes transformées en commissariat mobile », et lutte intensifiée contre l’habitat illégal.
Nous apprenons que le Collectif des Citoyens de Mayotte pourra porter ces demandes en direct puisqu’il est prévu qu’il soit reçu, nous informe la préfecture. Lire LETTRE OUVERTE du COLLECTIF DES CITOYENS DE MAYOTTE
De son côté, Christophe Castaner twittait ce matin, « merveilleux accueil à Mayotte », tout en désirant se colleter à la réalité, « 3 jours auprès de nos compatriotes mahorais3 jours pour entendre sur le terrain les préoccupations et les attentes, notamment en matière de sécurité. 3 jours pour y apporter des réponses concrètes et mesurer le travail déjà accompli ici. »
Anne Perzo-Lafond