Pour un syndicat intercommunal, c’est plutôt inhabituel. Chargé de la gestion de l’eau et de l’Assainissement, le Sieam est une création des 17 communes qui lui ont délégué la gestion de la ressource en eau. Chacune y a installé deux délégués communaux, qui doivent défendre la position de leurs communes, et rapporter les décisions prises.
Un premier constat d’échec avait été dressé en février 2017, lors de la période de pénurie d’eau qui avait mis en évidence une gestion aléatoire, dénoncée par la suite par la Chambre régionale des Comptes. Le président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), Saïd Omar Oili, en avait dressé une conclusion immédiate, « nous devons personnellement siéger dans cette instance ». Depuis, de l’eau a de nouveau coulé sous les ponts, un mauvais jeu de mots pour dire que quand la ressource abonde de nouveau, les bonnes résolutions sont vite oubliées.
Et vlan ! La réalité se rappelle aux maires avec la décision du comité syndical du 25 janvier dernier, donc des délégués communaux, d’autoriser le président Mouhamadi Bavi à rompre dès le 1er avril le contrat d’affermage signé avec la Société Mahoraise des Eaux (SMAE), filiale du groupe Vinci, si aucun accord n’était conclu sur l’utilisation des bénéfices dégagés par ce dernier. Décision suspendue depuis par le tribunal administratif qui statuait en référé, en urgence, sur la forme. Il s’appuie notamment sur l’absence de ce point de résiliation à l’ordre du jour de la séance.
De nouveau, les maires s’interrogent, « le conflit qui oppose le Sieam à la SMAE a mis en exergue notre défaut d’investissement dans un syndicat qui exerce une compétence municipale (…) Cette crise que nous traversons nous révèle tant une perte de maîtrise de cette compétence, mais au-delà, plus grave encore, notre incapacité à faire face demain à une nouvelle sécheresse et à la demande croissante en eau étant donné la fragilité et le sous-dimensionnement de nos infrastructures », écrit Saïd Omar Oili, le président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM) dans un courrier adressé le 15 avril à ses pairs.
S’il s’inquiète, c’est que le président du Sieam semble dérouler son programme-nous ne somme pas parvenus à le joindre – en convoquant un comité technique ce vendredi 19 avril pour décider d’un nouveau mode de gestion du service public de l’eau. Selon nos informations, Bavi souhaiterait mettre en place une Société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), en lieu et place du syndicat intercommunal, et pour laquelle les co-actionnaires feraient l’objet d’une procédure à lancer. Rappelons que selon la loi NOTRe la gestion de l’eau potable peut revenir aux intercommunalités si les communes en font la demande.
Une majorité de maires défavorables à la rupture avec la SMAE
« C’est en notre nom et en vertu d’une délégation de compétence municipale que vous exercez votre mandat », rappelle le président des maires. Reste à savoir si ceux-ci sont unis. Difficile de se faire une idée claire, mais selon nos informations, il y aurait une majorité d’élus favorable à une poursuite des négociations, « seuls les 3 maires qui sont agents du Syndicat des Eaux tergiversent. »
La scission entre certains maires et le président de leur syndicat des eaux, vient de ce que certains craignent de devoir payer un lourd tribut lors de la rupture de la DSP avec la SMAE, qui serait supporté par leurs administrés. Et alors même qu’un partage des bénéfices avait été proposé par Vinci. Ceux là appellent à une poursuite des négociations, pour imposer un avenant à la SMAE. Une réunion doit se tenir à ce sujet dès ce jeudi.
Quant à une éventuelle entente de Saïd Omar Oili avec Vinci, ce dernier se défend, « J’ai signé en décembre dernier un programme de 240 logements en me battant pour que Ocidim, filiale du groupe Vinci, soit attributaire du terrain, sinon, il partait à l’armée. Il s’agit notamment de logements sociaux, et cela ne m’engage en rien vis à vis de Vinci. »
Dans le conflit qui oppose le Sieam à la SMAE, il incite les maires à « se ranger du côté des intérêts des Mahorais », en raison « des conséquences qui pourraient impacter et nos budgets et le pouvoir d’achat de la population, car le Sieam déficitaire ne pourra pas payer les pénalités de rupture de contrat à Vinci. »
Anne Perzo-Lafond
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