Sur un quai du port de Longoni, une équipe de scientifiques est déjà à pied d’oeuvre. Nous reconnaissons Frédéric Tronel, directeur du BRGM venu visiter le navire avant d’y laisser son équipe, et Wayne Crawford de l’Institut de Physique du globe de Paris, que nous avions rencontré en février.
Installé à l’ombre d’un arbre, Wayne Crawford n’a pas vu le matériel arriver, occupé qu’il était à entrer des données sur son ordinateur. Objectif : recouper les données enregistrées à terre pour mieux les confondre avec celles que les sismomètres vont révéler dans quelques jours. Son collègue Daniel Romuald est un des trois ingénieurs de la mission de l’IPGP, l ‘institut de physique du globe de Paris. “On va faire remonter les sismomètres pour les analyser et les remettre en état, les reprogrammer pour une nouvelle exploitation jusque fin août”.
Une fois le matériel préparé, les scientifiques embarquent dans une petite annexe du grand navire océanographique. Celui-ci les emmène jusqu’au Marion Dufresne, amarré au large du port de Longoni. Là, il faut enfiler un casque et s’accrocher. L’esquif est soulevé par un treuil jusqu’à une porte située en hauteur.
La mission est donc composée d’une vingtaine de chercheurs, du BRGM et de l’IPGP, mais aussi de l’Ifremer, qui pilote cette mission de 10 jours. L’équipe compte des chercheurs en géophysique, des géologues et sismologues.
A bord, le navire arrivé de La Réunion a subi quelques modifications. Un PC Sciences a été mis en place, avec toute une installation informatique dédiée à l’étude des fonds marins et des séismes. Serveurs, espaces de stockage et une vingtaine d’ordinateurs serviront aux scientifiques.
Les scientifiques sont tous fébriles au début de cette mission. “On est tous intrigués car Mayotte n’est pas une zone de sismicité très active. On a tout de suite été alertés par le phénomène”, explique Nathalie Feuillet, cheffe de mission. La scientifique rappelle que toutes les théories actuelles “ne sont que des modèles, qui reposent sur des données très partielles”. Pour elle, “ce qui se passe à Mayotte est exceptionnel, il faut qu’on documente tout ça. Cela intéresse énormément la communauté internationale.”
Une impatience d’autant plus marquée que les précisions qu’apporteront les instruments seront vite connues. “On aura déjà des réponses le 15 mai prochain”, quand les premiers sismomètres auront été analysés.
Outre les ordinateurs, le bateau est équipé avec du matériel spécifique. Des sondes pour la bathymétrie, qui ont déjà permis en passant au banc du Geyser, de montrer de multiples cônes volcaniques au fond de la mer, bien plus anciens que l’essaim de séismes. La mission devra déterminer si le fond marin se déforme depuis un an dans la zone des épicentres.
Tout cet équipement trouve sa place dans un bateau à l’allure flambant neuve. Mis à l’eau en 1995 pour remplacer le Marion Dufresne 1, celui-ci a été entièrement rénové en 2015.
En plus d’avoir une boîte aux lettres près de la cabine du capitaine, le navire est équipé d’Internet, qui permet aux matelots, majoritairement malgaches, de garder contact avec leurs familles lors des longs mois de mission.
Le navire dispose en outre de nombreux éléments de confort à bord. Babyfoot, salle de restauration ou de musculation, et même une (petite) piste de danse
Il y a deux ans, le bateau a été confié à un nouvel armateur qui a installé le commandant de bord Adrien Eyssautier, qui commandait déjà des missions sismiques et de prospection notamment pétrolière avant cette affectation.
“C’est un bateau assez mythique, témoigne la capitaine. Je fais pas mal d’envieux dans le monde maritime. J’en suis conscient, et j’en suis très fier. Ce n’est jamais pénible de travailler sur le Marion Dufresne, même si ça peut être difficile.”
Un appel retentit dans le bureau du commandant. “Départ à 10h30” alerte une voix à la radio. Le bateau s’apprête à lever l’ancre, direction la zone de l’essaim, il est temps de retourner vers le treuil et l’annexe.
Le Marion Dufresne n’aura fait qu’une brève escale de deux ou trois heures avant de partir effectuer sa mission.
Y.D.
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