Frédéric Fischer est le co-fondateur de la seule entreprise de charbonnage de Mayotte. Mais fabriquer du charbon de bois localement et légalement, c’est encore un défi.
Au fond de la scierie de Coconi, la cheminée de la cuve fume doucettement. Madi vient de remettre du combustible pour préparer une nouvelle «fournée». Ici, on ne cuit pas de petits pains mais du bois que l’on transforme en charbon.
«On remplit une cuve de bois que l’on fait chauffer à haute température, explique Frédéric Fischer, à l’origine de ce projet. La cuisson dure une journée et pour savoir quand le charbon est prêt, il suffit d’observer la cheminée. Quand il n’y a plus de vapeur d’eau, c’est du méthane qui s’échappe, le processus est achevé».
Les cuves doivent alors refroidir pendant deux à trois jours sans être ouvertes pour éviter que le charbon s’enflamme au contact avec l’oxygène.
Une idée née de la crise
Frédéric Fischer a créé cette société avec un associé mahorais début 2012. C’est un bébé du mouvement social contre la vie chère. Lors du blocage de l’île, Frédéric était à la recherche de charbon et s’était rendu compte que la production locale était au point mort. Quelques essais et de nombreuses démarches plus tard, la société s’installe à Coconi. La proximité de la scierie s’imposait comme une évidence : un four était déjà en place et la matière première, les déchets de bois, y étaient, a priori, en masse. Madi devient le premier et à ce jour, le seul salarié de l’entreprise.
Le Conseil général, propriétaire des lieux, accueille la jeune société qui démarre en fanfare : 50 tonnes de bois traitées et 12 tonnes de charbon fabriquées durant les premiers mois.
Mais en 2013, les problèmes s’accumulent, en particulier du côté des cuves qui se percent. Les conditions climatiques sont loin de favoriser leur durée de vie.
De nouveaux fours sont commandés en Chine mais avant de les faire voyager jusqu’à Mayotte, Frédéric souhaite faire déménager la structure. Il vise un emplacement à Dzoumogné, à côté de l’ISDND, la décharge de déchets ultimes dont l’ouverture est annoncée pour le 16 juin. Là encore, le Conseil général et de nombreux autres partenaires devraient aider.
Ecologique et légal
L’activité est écologique à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle utilise de nombreux déchets de bois produit par les entreprises du département. Le manguier ou le bois noir, issus de chantiers de construction ou d’élagages, sont transformés en charbon. Le bois d’emballage ou les palettes sont utilisés comme combustibles pour faire chauffer les fours.
La société de Frédéric Fischer fabrique aussi du charbon à partir de petites chutes de tous types de bois. Ces morceaux sont compressés pour en faire des buchettes, elles-aussi, carbonisées.
Pour se développer, l’activité doit aussi affronter de nombreux comportements illégaux. Il y a, bien sûr, le charbonnage sauvage pratiqué dans nos montagnes dont la gendarmerie démantèle régulièrement des sites de production. Mais l’importation illégale serait aussi monnaie courante. «On sait que des containers importent du charbon de bois de Madagascar à 1 euro le sac, se lamente Frédéric Fischer. Il est interdit d’exporter du charbon de bois de Mada, mais pas d’en importer… »
Plus cher que le charbon importé
2014 devrait être l’année du redécollage. Dès que le déménagement est acté, les travaux d’installation, rapides, devraient permettre de faire décoller la production. La société vise les 45 tonnes en année pleine, de quoi exister commercialement. Des sacs et une marque repérables par les consommateurs seront alors déployés.
Chose toujours surprenante : ce charbon produit sur place ne sera pas forcément moins cher que celui importé. Mais la création d’emplois locaux dans une activité artisanale et la démarche écologique de recyclage du bois, pourraient tout de même convaincre les Mahorais de le préférer à ses concurrents étrangers.
RR
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