Le parcours judiciaire d’Azad commence en 2013. Le jeune homme est alors soupçonné de dégradations et de “violences ayant entraîné une infirmité permanente”. Un mandat d’arrêt est alors émis à son encontre, jusqu’à son interpellation en avril.
Il semble alors probable que l’individu recherché se retrouve en prison. Le 23 avril, il est présenté au JLD, le juge des libertés et de la détention, devant lequel il demande un délai pour préparer sa défense.
Le JLD est le magistrat qui, seul, décide de placer ou non un suspect en prison avant son procès.
Ce délai lui est accordé de droit, et Azad est placé en détention pour trois jours. Le 26 avril, nouvelle comparution devant le JLD. Le procureur requiert la détention provisoire, estimant que le jeune homme a tenté depuis plus de cinq ans d’échapper à la justice, et qu’il présente des risques de réitération. Pour la défense au contraire, l’absence d’infraction avéré pendant tout ce temps prouve qu’Azad n’est pas un danger, et qu’il peut rester libre.
Le juge s’en réfère alors au droit le plus strict qui prévoit que “la détention doit rester l’exception”. Plusieurs critères sont alors étudiés : le risque de réitération, les garantie de représentation, le fait d’avoir une adresse fixe, et éventuellement le risque de contact avec les victimes ou d’éventuels complices. Les faits datant de 2013, le juge a estimé, a contrario des arguments du parquet, que “le contrôle judiciaire semblait approprié”. Azad, mis en examen dans cette affaire, est donc laissé libre avec interdiction de quitter Mayotte, de détenir ou de porter une arme, obligation de pointer chaque semaine à la gendarmerie de Koungou, et de demeurer à l’adresse fournie sur la commune de Dembéni. L’instruction est donc toujours ouverte pour ces faits anciens, qui pourraient donner lieu à un procès d’assises. A noter que le mis en cause a jusqu’à cette semaine respecté son obligation de pointer à la gendarmerie. C’est d’ailleurs en allant pointer comme chaque semaine qu’il a été interpellé.
“Coïncidence de calendrier”
Ce qui nous amène aux violences de ce dimanche à Passamaïnty. Une enquête de flagrance est ouverte pour violences aggravées, et tentative de meurtre. Cette procédure criminelle pourrait dès ce mercredi donner lieu à l’ouverture d’une information judiciaire, donc à la saisine d’un juge d’instruction. C’est dans le cadre de cette enquête que lundi, 5 personnes ont été placées en garde à vue, dont quatre qui pourraient être liées à ces événements. Parmi elles, le fameux Azad. Si l’on se réfère à la chronologie des faits, et sans attenter à la présomption d’innocence, il ne s’agit donc pas d’une récidive un mois après une libération, mais plutôt d’une “coïncidence de calendrier”, avec des faits qui surviennent 6 ans après les précédents.
Ensuite, garde à vue ne veut pas dire culpabilité. Le parquet explique que les différentes étapes d’une procédure judiciaire répondent à une échelle dans les indices. Ainsi la garde à vue correspond à des “raisons plausibles”, et non à des preuves formelles. Le cas échéant, celle-ci peut déboucher sur une mise en examen. La loi prévoit qu’il faut pour cela “des indices graves ou concordants”. L’enquête se poursuit alors jusqu’à ce que le juge d’instruction détienne des “charges suffisantes” pour ordonner un procès lors duquel sont présentées les “preuves”, et, seulement à l’issue de l’audience, une éventuelle culpabilité.
Les deux jours à venir seront donc cruciaux pour cette enquête. Les gardes à vue devraient être prolongées, et pourraient déboucher sur des mises en examen, à condition de disposer d’éléments suffisants. De nouvelles interpellations ne sont pas exclues. En outre, les médecins devraient en savoir plus dans les heures à venir sur l’état de santé des deux principales victimes qui risquent l’amputation.
Ce qu’il faut retenir :
Le dénommé Azad est suspect dans deux affaires distinctes, quoique semblables dans la qualification, et séparées de 6 ans. N’ayant pas encore été condamné, il reste présumé innocent, et n’est donc pas “récidiviste” comme on a pu le lire. Si des éléments suffisants sont fournis, certains gardés à vue pourraient être mis en examen dès ce mercredi pour violences aggravées et tentative de meurtre ainsi qu’attroupement armé, des faits passibles de la Cour d’Assises.
Ce n’est qu’à l’issue des éventuelles mises en examen que le JLD sera de nouveau saisi pour se prononcer sur les “mesures de sûreté”. Nul doute que le parquet réclamera la détention provisoire, mais c’est le juge qui tranchera, en sachant que l’incarcération doit en droit français “rester l’exception” et être motivée.
Y.D.