Les conseillers départementaux, enfin 15 d’entre eux, étaient réunis en séance plénière ce lundi, notamment pour voter le compte administratif 2018. Il dégage un résultat de 61,68 millions d’euros, qui sont entièrement affectés aux investissements du Département. Un excédent dont il faut se réjouir, mais qui reste « fragile », selon le directeur des Finances, qui livrait les mêmes éléments que lors du vote du budget primitif 2019, « nous bénéficions de droits de mutation à titre onéreux », c’est à dire de transferts de propriétés, sur lesquels ne peut s’asseoir durablement une gestion saine du département.
Remontant jusqu’en 2015, comme année de départ d’une « meilleure santé financière du département », on pouvait y voir un satisfecit appuyé de la date d’arrivée du nouvel exécutif, mais pas seulement : « Depuis 2014, nos recettes ne sont plus dynamiques, mais statiques, en ce sens que nous sommes fortement dépendants des dotations de l’Etat. De 83 millions d’euros en 2014, nous sommes passés à 107 millions d’euros en 2019, nous n’avons pas de marge pour faire évoluer nos recettes, n’ayant plus de fiscalité directe et indirecte ».
Président fantôme et désaffection des élus
Un résultat financier qui aurait pu réjouir le président Soibahadine… s’il avait été là. Or, depuis sa mise en examen et son hospitalisation à La Réunion, peu l’ont revu. Si sa « réserve » comme certains nous l’ont glissé, est davantage liée à la première raison, plusieurs conseillers, et pas seulement d’opposition disaient leur ras-le-bol.
En porte-drapeau, Bichara Bouhari Payet : « Cela fait plusieurs semaine que le président n’est pas là, et on ne nous dit rien ! Je ne voterai aucun rapport car c’est du mépris ! Vous a-t-il donné mandat pour présider ?! », s’exclamait la conseillère de Dembéni à l’endroit de Raïssa Andhume, la 3ème vice-présidente qui menait les débats grâce à un quorum petitement atteint. Contre toute attente, pas d’affirmation de la part de cette dernière, qui en rajoutait une couche au contraire : « On avale des couleuvres, mais il faut bien les avaler pour faire avancer le territoire. Il faut provoquer d’urgence une réunion entre élus ! »
Politique et finances font mauvais ménage
La nature ayant horreur du vide, ce sont les deux anciens présidents du Département qui occupaient la place. Particulièrement Daniel Zaïdani, qui interrogeait la présidente sur le fonctionnement de deux services départementaux, les pompiers et les barges.
Les agents du premier, le Service Départemental d’Incendie et Secours (SDIS) sont en grève, avec des négociations qui achoppent toujours sur la revalorisation de l’IAT, l’Indemnité d’Administration et de Technicité, « soit 200.000 euros pour le Département, et 165.000 euros pour l’ensemble des communes, l’excédent dégagé doit nous le permettre », propose l’élu de Pamandzi, qui avançait vouloir voler au secours de sa collègue Moinécha Soumaïla, présidente du SDIS, donc en 1ère ligne des négociations. Mais celle-ci le voyait autrement : « C’est une prise de position politique parce que nous sommes en plénière. Où étiez-vous quand j’ai convoqué les élus pour en débattre ? Beaucoup agissent par derrière pendant que je suis en train de négocier ! »
Deux obstacles à un déblocage précipité des sommes demandées. « Nous avons un coefficient de rigidité structurelle de nos dépenses (dépenses incompressibles), de 44%, alors que le seuil critique est de 50%, faisait remarquer le DGS Mahafourou Saïdali. Or, même si les recettes augmentent, la loi dictée par le Contrat de Cahors* nous empêche d’augmenter nos dépenses plus que 1,2% par an. Sans quoi, notre dotation globale de fonctionnement de l’Etat aurait diminué de 6 millions d’euros. » Le deuxième frein est donné par la Chambre régionale des comptes qui pointait une masse salariale à 80% du budget du SDIS. Une question que les élus se promettaient de débattre entre eux.
« La majorité des agents du STM est inapte ! »
Deuxième clash de la matinée, celui du STM, le Service de Transports Maritimes, après une double interpellation d’anciens présidents, face au directeur du service, Jean-François Urbain : celle de Daniel Zaïdani de nouveau, qui se plaignait de l’abandon de certains horaires, « depuis deux ans, il n’y a plus d’amphidrome à 6h15 et 6h45 au départ du quai Ballou (Petite Terre), le premier ne part qu’à 8h45, provoquant une saturation de passagers », et d’Ahamed Attoumani Douchina, qui évoquait les dysfonctionnements de « véhicules qui embarquent à cheval sur la porte » ou de barge qui font demi-tour « avec le président de la CCI à l’intérieur parce qu’il n’était pas descendu de sa voiture ».
Un directeur qui goutait peu les remarques des élus, livrant l’identité de la conductrice de la voiture rebelle, et expliquant que « les amphidromes du quai Ballou sont réservés aux camions ». Lui valant en retour une interrogation sarcastique de Daniel Zaïdani, « vous avez pris unilatéralement une décision de modification au sein du STM ?! »
Et le directeur d’exploitation par intérim achevant le tableau, « nous sommes obligés de composer avec notre grosse masse salariale. Et sur les 300 agents, la majorité est inapte pour naviguer ! » C’est un état des lieux comme un autre, plus la peine de recruter un cabinet pour ça…
D’autres rapports étaient votés, notamment celui portant sur le règlement de police portuaire, adopté, et un autre sur la bonne mise en œuvre des mesures de la Chambre Régionale des Comptes.
Une séance globalement rassurante sur la gestion de la Collectivité, mais sans nouvelle du pilote.
Anne Perzo-Lafond
* Le Contrat de Cahors est un pacte financier entre l’Etat et les collectivités, qui vise à réduire le déficit public, inscrit dans loi de finances 2018-2022. Les collectivités locales doivent limiter l’augmentation de leurs coûts de fonctionnement à 1,2% par an
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