Il aura fallu une (trop) longue semaine pour en savoir plus. Le Marion Dufresne était à peine rentré dans le lagon le 17 juin dernier que dès le lendemain à l’aube, ses scientifiques embarqués partaient pour Paris. Aucune information fiable n’avait depuis transpiré. Le temps de “décortiquer les informations recueillies” indique Dominique Sorain, préfet de Mayotte, qui décrit des découvertes “d’intérêt énorme et international”.
Pour bien comprendre, revenons-en à l’origine de la recherche. Alors que l’on pensait l’essaim de séisme dû à une faille tectonique, l’hypothèse d’une vidange de chambre magmatique prend le dessus en novembre dernier, grâce à une onde “atypique” qui a fait le tour du globe. Peu après, des relevés GPS montrent que Mayotte se déplace vers l’est et s’enfonce de plus d’1cm par mois, confortant cette hypothèse.
Des recherches qui s’accélèrent
Début 2019, la barge Ylang se rend sur zone et dépose 6 sismomètres. Leur mission est d’aider à mieux localiser les épicentres, pour savoir quoi chercher, et où. Jusque là, les instituts internationaux estiment la zone de l’essaim entre 30 et 60km à l’est de Mayotte.
Il faudra attendre mai 2019 et la mission May-Obs 1, menée à bord du Marion Dufresne par des équipes de l’Ifremer, de l’IPGP et du BRGM pour confirmer l’activité volcanique. Cette première mission permet aussi de relocaliser l’essaim sismique. Deux zones d’essaim sont précisées, à 10 et 25km à l’est de Mayotte. Mais en profondeur, entre 20 et 50km dans la lithosphère (croûte terrestre). Grace à ces relevés effectués aux premiers jours de la mission, cette dernière peut mieux orienter ses recherches. Le navire scientifique balaye les fonds marins et cette étude bathymétrique révèle à 50km à l’est un volcan de 800m de haut sur 4km de diamètre, né en moins d’un an. Au dessus, un vaste panache est détecté. Une première.
Un mois plus tard, les scientifiques ont repris place à bord pour une nouvelle mission, May-Obs 2, dirigée par Stephan Jorry, de l’Ifremer. Leur but : “poursuivre les acquisitions de données” suite à May-Obs 1. Avec plusieurs questions à préciser. La localisation des séismes a-t-elle évolué ? Et le relief des fonds marins ? Le volcan a-t-il grandi ? Le panache existe-t-il toujours ? En d’autres termes, est-ce que l’activité se poursuit, et si oui, sous quelle forme ?
Après une semaine de recherche en mer, et une semaine d’analyse des résultats, de premières conclusions émergent. Premiers constats, les zones d’essaim restent inchangées. Le volcan n’a pas grandi “ou alors, de moins de 20 mètres” précise Stephan Jorry : c’est la marge d’erreur des instruments de bord. Ensuite, l’activité sismique est en légère baisse : 163 séismes sont relevés. Avec le mois d’août dernier, c’est une des périodes les plus calmes en un an.
Deux sources de fluides supplémentaires
En revanche, le nouveau balayage de la zone a donné lieu à deux découvertes majeures. La première concerne le nouveau volcan. S’il n’a pas grandi, le voilà doté d’un petit frère (ou d’une petite soeur). La bathymétrie a mis au jour une coulée de lave longue de 2km et haute de 75 mètres, juste au sud de ce volcan. Celle-ci aurait jailli d’une faille située à proximité immédiate du volcan découvert en mai. Il s’agirait donc d’une nouvelle sortie de magma, mais issue de la même source supposent les scientifiques.
“A l’image de ce qui se passe à La Réunion, où la lave peut sortir par des failles, pas forcément par le cratère principal” commente le préfet Dominique Sorain.
L’autre découverte vient compléter des données recueillies lors de la mission May-Obs 1. Une anomalie avait alors été détectée à la verticale de la zone d’essaim, soit à 10-15km à l’est de Mayotte. La mission May-Obs 2 confirme une “sortie de fluides” sur la zone d’essaim. Ces fluides qui s’étendent entre 1,5 et 700m de profondeur ne sont “pas du magma” assure le géologue, mais “sûrement des gaz, peut-être d’origine hydrothermale”.
Ce qu’il faut retenir
En résumé, trois sources d’origine volcaniques sont identifiées à ce jour. A 50km à l’est, un volcan de 800m de haut et 4km de diamètre a poussé en 10 mois. Au sud de ce dernier, une coulée de lave de 2km de long pour 75 mètres de haut s’est formée en un mois.
L’essaim de séisme reste localisé à une dizaine de kilomètres à l’est de Petite Terre mais en profondeur, entre 20 et 50km dans la croûte terrestre. Au dessus de la zone d’essaim, un probable panache de gaz a été détecté, mais sans effusion de magma. Ce gaz qui sort a priori de failles sera analysé grâce à des prélèvements effectués en profondeur. Il ne remonte pas jusqu’à la surface.
Et la suite ?
La mission May-Obs 2 n’est “qu’une étape” assure le préfet Sorain qui promet “d’autres missions”. L’analyse des données recueillies lors de la précédente, notamment celle des gaz et des roches prélevés, permettra de mieux cibler les objectifs des missions à venir. Le volcan et les séismes resteront surveillés de près pour anticiper tout risque “si risque il y a” précise Dominique Sorain. Le but est donc d’améliorer, d’une part “la recherche fondamentale” et d’autre part “la sécurité civile”. Même si dans les faits, des protocoles comme le plan Orsec submersion ou séisme, existaient déjà et restent d’actualité. Ces procédures nécessitent néanmoins d’être en permanence améliorées en fonction des connaissances scientifiques, comme nous l’avait rappelé la mission sécurité civile en évoquant le risque submersion. Les outils de prévention et d’alerte doivent eux aussi être améliorés indique le préfet, qui note notamment l’absence de sirène sur les mairies mahoraises.
Alors que des équipes scientifiques du monde entier rêvent de venir étudier ce phénomène, le temps est désormais celui de la recherche, qui s’accélère considérablement. Les prochaines informations attendues concernent notamment le déplacement de l’île et son enfoncement, données qui n’ont pas pu être communiquées ce lundi. Les gaz prélevés en mer doivent aussi être comparés à ceux étudiés depuis plusieurs années au lac Dziani. Enfin des roches ont été prélevées au fond de la mer pour identifier la source d’éruptions plus anciennes, et modéliser l’activité passée au large de Mayotte.
Enfin, le nom du volcan pourrait être connu en juillet. Le concours proposé aux écoles a donné lieu à des propositions, et un vote en ligne devrait être organisé dans les semaines qui viennent.
Y.D.
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