“Vous avez les papiers du Kbis ?” Dans la sombre boutique perdue au bord d’un chemin boueux proche des Badamiers, la commerçante s’inquiète de ce débarquement de gendarmes dans son échoppe. “C’est à mon mari, il est en métropole”. Si le contrôle a lieu ici, c’est que la bâtisse de tôle et de béton, repérée par des patrouilles dans le cadre de la Zone de sécurité prioritaire (ZSP), a été construite illégalement, sans permis. Le magasin situé au rez-de-chaussée n’est pas davantage déclaré. Gendarmes et inspecteurs du travail font le tour du propriétaire. “Rien n’a l’air en règle ici” constate le préfet, présent pour cette action de communication.
A l’extérieur, des bonbonnes de gaz. Dedans, un frigo avec des boissons, des étagères pleines de biscuits, sodas et autres casseroles. Dans l’entrée, un grand congélateur dont le contenu fait froid… dans le dos. Un vieux mérou gît là depuis sans doute trop longtemps. Des filets de poisson sont conservés dans des sacs plastiques ouverts, et de la viande est posée sans conditionnement à même le fond rouillé de la machine. Dans une caisse, 180€ de recette en espèces témoignent de la fréquentation de cette boutique illégale. “On va prendre une décision administrative de fermeture du magasin” prévient une inspectrice de la Dieccte à la commerçante. Au moins cette dernière est-elle en situation régulière.
Hygiène et sécurité incendie inexistants
Le convoi s’est ensuite rendu à Pamandzi, non loin de l’aéroport, dans une autre boutique “qui a pignon sur rue” selon un riverain. Là, dans un local exigu, les bouteilles de gaz sont posées à même le sol, au milieu des autres produits. Aucune issue de secours, mais un extincteur… périmé depuis 2012. Là aussi un congélateur, plein celui-ci, de poissons en vrac. Outre les problèmes d’hygiène, ces magasins non déclarés qui ne payent donc aucune charge posent “un problème de concurrence avec les magasins qui, eux, respectent les règles” indique le préfet Dominique Sorain.
Pour le procureur Camille Miansoni, qui sera amené à engager des poursuites au pénal contre les entrepreneurs illégaux, “c’est un basculement, on ne peut espérer un développement économique digne de ce nom en gardant ça. Ça a marché un temps, mais les gens doivent comprendre que ce n’est plus possible. C’est un moment à passer, c’est douloureux mais il faut en passer par là. Ce qui importe, c’est le message que l’immigration clandestine trouve aussi son imprégnation dans ces activités de proximité” conclut-il.
Y.D.