Le Plan pour l’avenir de Mayotte donne une large part à la rénovation et à la construction des écoles. Mais pour certaines, des situations inquiétantes perdurent.
A Ouangani, les parents d’élèves ont pris l’habitude d’alerter la presse, selon eux, “toutes les écoles de la commune posent problème”. Ils ont déposé une plainte au pénal qui “suit son cours” confirme leur avocat, Me Delamour Maba Dali.
L’exemple avancé, c’est l’école élémentaire Barakani 1. Pourquoi celle-ci ? Car elle a fait l’objet le 10 mai dernier d’une visite de l’inspection santé et sécurité au travail du vice-rectorat, et le rapport, donc nous avons pu obtenir des extraits, n’est pas rassurant. L’inspectrice y relève notamment avant même d’entrer dans les locaux, “l’absence de signalisation indiquant la présence d’une école et de passage piéton”. A l’entrée, “un véhicule hors d’usage abandonné depuis plusieurs mois” et “des batteries [qui] jonchent le sol”. Elle note deux portails ouverts malgré le plan vigipirate en cours.
La sécurité anti-intrusion laisse à désirer : grillage aisément franchissable, absence de sonnette, local de gardien vétuste… En revanche, pour les personnes à mobilité réduite, l’école “n’est pas accessible”.
Plus inquiétant encore, l’école compte selon le rapport “6 extincteurs (…) ils n’ont pas été vérifiés depuis mars 2010. La direction indique que les extincteurs ont été changés il y a deux ans sans que cela figure dans le registre”. Il est rappelé que ceux-ci doivent être vérifiés chaque année, vérification garantie par une étiquette spécifique. Sur ces appareils “neufs”, des photos montrent des étiquettes illisibles ou déchirées. Dans la même veine, le registre de l’école ne mentionne pas de contrôle de l’alarme incendie. Celle-ci serait, selon la direction, hors service depuis 2018. Là encore pourtant, une vérification annuelle est de mise. De même “aucun contrôle des installations électriques n’est renseigné dans le registre de sécurité” s’inquiète l’inspectrice dans son rapport.
Sur le plan de l’hygiène, les parents sont tout aussi inquiets. “Aucun contrat de dératisation n’existe” alors que “la présence de rongeurs est signalée”. Concernant les collations, “la répartition se fait à même le sol, des tables sont à installer”.
Dans les sanitaires, “l’hygiène n’est pas suffisante”, les “produits indispensables” seraient manquants, et les horaires des agents d’entretien “ne permettent pas un nettoyage après chaque récréation”.
L’administration scolaire note que concernant l’alarme incendie, “en métropole la collectivité aurait dépêché quelqu’un sans délai, dans la semaine”. Toutefois le vice-rectorat a seulement compétence pour donner des recommandations concernant la sécurité au travail, c’est à dire celle de ses agents, et par extension, des élèves. La responsabilité de faire ou non les travaux “revient au maire”. La municipalité est en effet propriétaire des écoles primaires.
Le vice-rectorat confirme donc les éléments qui ont été portés à notre connaissance, et précise qu’une semaine après cette inspection, Ouangani maternelle a également été visitée. Là aussi, le contrôle des extincteurs et l’absence de contrat de dératisation posent problème.
Tout cela pourrait être une découverte, mais un rapport de la commission de sécurité, portée, elle, par la préfecture et dont “le dernier passage date de 2012” notait déjà “l’absence de vérifications des installations électriques” et “l’absence de vérification des moyens de secours”, entre autres points.
“Si la commission de sécurité passait aujourd’hui et constatait pour les extincteurs, ça pourrait justifier une notification de fermeture de l’établissement” indique le vice-rectorat, précisant que “ça se passe rarement comme ça”.
75% d’avis défavorables dans le primaire
L’avis de fermeture est en effet une option à la portée de la commission de sécurité, pilotée par le préfet, c’est le cas le plus grave, quand l’avis favorable n’est pas possible, et que l’avis défavorable ne suffit pas. La préfecture se dit toutefois dans une démarche de “souplesse” et de “pédagogie” vis à vis des élus.
Dans le premier degré, 75% des écoles font actuellement l’objet d’un avis défavorable. Dans le second degré, ce taux est de 34%. Comme dans les écoles mentionnées ci-dessus, les points qui posent le plus souvent problèmes sont les éléments qui nécessitent un entretien qui n’est pas fait. Extincteurs, alarmes incendie ou systèmes électriques sont fréquemment pointés du doigt par la commission sécurité. Pour autant, aucun avis de fermeture n’a encore été délivré. “On a une commission qui a pour but d’accompagner, c’est un travail pédagogique qu’on essaye de mener”. La commission part en effet du principe que ces éléments sont “facilement réglables, entretenir les extincteurs ce n’est pas bien compliqué”. Mais les membres de la commission sont toutefois parfois “un peu surpris par des possibilités qui ne sont pas saisies pour améliorer la sécurité des élèves”. Une jolie façon de dire que des mesures simples ne sont pas prises, contre toute logique.
Des efforts sont pourtant faits assure la préfecture pour qui quand des travaux sont effectués, ces éléments de sécurité sont réglés en même temps. “Le problème c’est qu’après, il faut entretenir”. Et c’est souvent là que le bât blesse.
Y.D.