Le JDM :
Lors de la cérémonie du 14 juillet, vous avez dit au sujet de vos 16 mois à Mayotte, “il y a eu des moments difficiles, mais c’était un bonheur”, quels ont été les temps forts de votre séjour ici ?
Dominique Sorain :
Pendant la crise sociale, quand j’étais directeur de cabinet au ministère, je suivais déjà de près Mayotte, c’était bloqué, on faisait des visioconférences tous les jours. On m’a annoncé que je partais trois jours avant le départ, parce que je suivais les dossiers, et parce que je voulais venir. Une fois ici, il y a d’abord eu un très gros travail d’écoute, ensuite il fallait régler l’ordre, lever les barrages, notamment par le dialogue. Puis il fallait bâtir le plan pour Mayotte, ça a été la deuxième étape. Dans un contexte où les relations diplomatiques avec les Comores étaient rompues. Ensuite il fallait l’appliquer, ce plan. J’ai essayé de mettre en place une méthode en mettant tout le monde autour de la table, il fallait avancer sur un certain nombre de mesures, les mettre en musique, ça nous a occupés jusqu’à ce début d’année, et ça s’est traduit par la signature des contrats de convergence. C’était un travail souterrain pas très médiatique mais ça m’a mobilisé ainsi que mes équipes. Tout cela en gérant l’immigration, les Sri-Lankais, le cyclone, l’organisation des services de l’Etat… A ce sujet j’espère que la plate-forme ingénierie sera créée d’ici la fin de l’année.
En quoi cela a été “un bonheur” ?
C’est une mission qui m’a passionné. Mayotte est passionnante, je me suis attaché au territoire. L’accueil qui m’a été fait, le mode de vie. Même si parfois ça a été chaud, j’ai aimé ce contact. Il y a ici une spontanéité pour dire ce qui va et ce qui ne va pas. On a toujours réussi à trouver des solutions. Bien sur il faut rester dans l’esprit républicain, on n’est pas toujours d’accord, mais il faut se battre sur un minimum de socle commun, pour développer ce territoire et avancer.”
C’est étonnant, vous n’évoquez pas les séismes ?
[Rire] Je me vois encore avec la ministre quand il y a eu le 5.8 (le 15 mai 2018 à 18h48 NDLR), tout s’est mis à vibrer dans cette case pas très solide. C’est un point important et on y a consacré, on y consacre toujours, beaucoup de temps. L’alerte cyclonique aussi a été positive car ça nous a permis de tester nos réactions avec les mairies, on n’a pas eu d’incident. Finalement on a traité de beaucoup de sujets, ça a été dense, mais avec une équipe qui m’appuie bien, ils peuvent être fiers du travail qui a été fait.”
Qu’aimeriez-vous dire à votre successeur ?
“Tout n’est pas réglé, il y a tellement de problèmes de développement. La lutte contre l’immigration clandestine reste la clé pour le développement de ce territoire. Mais il faut penser qu’il y a des capacités pour ce territoire. Il y a des possibilités surtout vis à vis des jeunes, il y a un avenir : partir, revenir à Mayotte, il faut qu’on se préoccupe de la formation des jeunes. Ma préoccupation c’est comment donner confiance aux jeunes, ce sera je pense le gros défi de mon successeur.”
Quel est votre ressenti global en quittant Mayotte, plutôt “enfin !” ou “déjà ?”
Je suis passé par beaucoup de territoires, mais il y a un pincement au cœur. On s’attache. J’ai vécu ici avec mon épouse, elle aussi a aimé Mayotte. Ma fille est quant à elle venue trois fois, elle adore Mayotte, dès qu’elle avait des vacances elle venait. On croit tous à Mayotte, collectivement. Même si c’est difficile.”
Un dernier mot, un seul, à dire aux Mahorais ?
“Avançons !”
Propos recueillis par Y.D.