Au premier regard, la Une blanche et épurée du livre “des autofictions arabes” n’annonce pas le livre le plus accessible qu’un Mahorais ait produit. De fait, la thèse de Darouèche Hilali Bacar, qu’il vient de publier aux éditions PUL dans une version remaniée et vulgarisée “pour la rendre accessible au grand public”, reste destinée à un public averti. Les amateurs de littérature, arabe bien sur mais aussi mahoraise et de littérature en général, ainsi que les passionnés d’histoire et de société, y trouveront leur compte. “L’enjeu est de permettre à tout un chacun d’avoir accès à la littérature arabe” explique l’auteur. Dans cet ouvrage, présenté comme une “fenêtre pour le lecteur mahorais sur le monde arabe”, il analyse l’usage, assez récent, du style autobiographique par des auteurs arabes, qui est “devenu un enjeu politique et sociétal”. Cet angle serré sert d’accroche à une réalité historique et culturelle plus large, qui n’est pas sans conséquence sur la société contemporaine
Il faut jeter un coup d’œil en arrière pour réaliser le choc cultural qu’ont représenté les campagnes napoléoniennes en orient, notamment en Egypte. Outre les batailles, les pillages et la recherche archéologique avec Champollion, ces campagnes ont apporté au côté arabe une nouvelle source d’inspiration littéraire, quand les auteurs arabes du XIXe ont adopté romans, nouvelles et pièces de théâtre, jusqu’alors apanage des occidentaux. Dans un contexte de montée des nationalismes, puis de guerres d’indépendance dans les années 1960, suivi d’une période de guerres civiles et de dictatures tous azimuts, les auteurs arabes ont compris comment la ressource littéraire pouvait faire pencher la balance. “Par exemple dans les années 1960, la montée des féminismes arabe a été portée par la littérature”. De même “les romans des années 1980 ont eu un impact sur les printemps arabes” analyse le Mahorais. Et tout ça n’est pas une affaire d’élite intellectuelle, puisque la littérature entrant dans la culture populaire, ses idées se diffusent au plus grand nombre. Ainsi “au XIXe siècle, les réformistes étaient des intellectuels. Au XXIe siècle, c’est la population qui demande le changement, et c’est grâce à la littérature.”
Un outil contre l’islamisme
La période actuelle est un nouveau changement dans le monde arable, avec la fin “des régimes tyranniques” qui laisse place à “la lutte contre l’islamisme”. Dans ce contexte, “donner un éclairage sur la société au travers de la littérature, sur les faits religieux et sociologiques, et remettre en cause certaines idées reçues prônées par des politiques ou des prêcheurs” prend tout son sens, explique l’auteur de la thèse.
A Mayotte plus spécifiquement, le livre vise deux objectifs. Considérant que “le fondamentalisme, c’est se détacher de la société pour se revendiquer d’une identité culturelle extérieure au territoire”, l’auteur veut “replacer Mayotte dans son environnement régional”, “désacraliser la langue arable pour dire qu’elle n’est pas que la langue du Coran mais aussi celle de millions d’habitants”. L’auteur veut aussi “dire aux écrivains mahorais qu’il y a des choses à dire au delà de la dichotomie Mayotte-Comores”.
L’ouvrage est proposé aux éditions PUL à 25€, et peut être commandé à la librairie de Passamaïnty et à la Maison des Livres de Mamoudzou.
Y.D.