Les choses sont bien engagées, puisque actuellement, 161 étudiants sont en 5ème année, et endosseront donc les habits de professeurs des écoles titulaires à la prochaine rentrée. Et ils sont 180 cette année à faire leur rentrée ce vendredi en 1ère année de master MEEF, donc en Bac+4.
Le principe a été mis en place à la suite d’un rapport d’un inspecteur général en 2014, soulignant l’urgence d’améliorer la qualité de l’éducation à Mayotte, en produisant notamment une formation in situ. La vice-recteur Nathalie Costantini, le Centre Universitaire de Formation et de Recherche (CUFR) de Dembéni, l’Ecole Supérieure de professorat et de Recherche (ESPE) de La Réunion ainsi que son rectorat, avaient validé un concours de recrutement des Professeurs des Ecoles (CRPE) spécifique à Mayotte.
Ouvert aux Bac+3, il propose aux étudiants deux années de professionnalisation en Master des Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la formation (MEEF). Un modèle original de formation « en alternance intégrative », mélangeant apport académique et expérience de terrain. « Un modèle qui séduit beaucoup nos collègues de métropole ! », lançait Frédéric Tupin, administrateur provisoire de l’ESPE Réunion, présent comme tous les ans pour cette rentrée.
90% des anciens étudiants du CUFR insérés
Il va dispenser dès ce lundi, 7 heures de cours sur la contextualisation de la formation, « nous sommes dans un cadre national, mais vous devrez porter une attention particulière à l’environnement social, linguistique, et culturelle de vos élèves. »
Pour commencer, il appelait les étudiants à s’imprégner de l’histoire du système éducatif de Mayotte, « même pour ceux qui vivent depuis longtemps sur le territoire. » Difficile d’imaginer en effet que la scolarisation de masse ne date que des années 80, et que le Centre universitaire est sorti de terre en 2011. Et depuis, c’est un succès qui ne se dément pas puisque « le nombre d’étudiants a doublé en moins de 5 ans », rapporte Aurélien Siri, qui fait sa 7ème rentrée au sein de l’établissement qu’il dirige. Et que 10 diplômes nationaux y sont délivrés grâce aux universités partenaires d’Aix/Marseille, de Montpellier ou de Nîmes. « 90% de nos anciens étudiants sont soit en formation, soit en emploi actuellement », se réjouissait-il. On compte 28% de réussite en licence, contre environ 10% pour les lycéens mahorais partis étudier en métropole.
Une dynamique que l’on peut aussi mettre à l’actif de recrutements de 22 enseignants en 3 ans au CUFR, « grâce à l’ESPE de La Réunion et au vice-rectorat ».
180 contractuels en voie de titularisation
Cette histoire, Gilles Halbout n’y aura pas été étranger, lui qui a activement participé toutes ces années à la mise en place du département des Sciences au Centre universitaire de Dembéni, « je suis très ému de revenir dans cet établissement comme vice-recteur. » Dans ses recommandations aux 180 étudiants de l’amphi du CUFR, figurait en bonne place « l’attrait pour le territoire », mais aussi « la nécessité d’utiliser ces deux années d’étude pour maintenir haut votre savoir, et pas seulement académique. » Une culture générale qui doit s’ajouter à la « transmission de valeur » : « Pour les élèves, vous êtes des adultes référents, un modèle dans votre façon d’être ».
Des évolutions qui vont se perpétuer avec les nouvelles mesures de la loi pour l’Ecole de la confiance, « nous devons les formaliser. Malgré la surpopulation de beaucoup de classes, que je reconnais, des efforts sont faits cette année, avec l’ouverture de 150 postes dans le 1er degré, et de 83 dans le second. Nous devons maintenant travailler sur la scolarisation dès 3 ans, le dédoublement des classes en CP/CE1, malgré les contraintes de manque de locaux et de l’insuffisance en enseignants titulaires qu’il faut former, puisqu’on compte 40% de contractuels à Mayotte. Vous faites donc partie de cette évolution. »
En effet, la plupart des étudiants présents sont contractuels, « et depuis plusieurs années, nous explique l’un d’entre eux, mais fallait bien sécuriser mon métier ! ». D’autres n’ont qu’un Bac+2, comme nous explique Ismaël, un étudiant, « dans ce cas nous n’obtiendrons pas le master, mais un Diplôme Universitaire, un DU ».
L’après-midi de rentrée avait commencé par des sketchs et des danses des enfants de grande section de l’école maternelle de Chiconi Centre, et menés par les Céméa.
Le master MEEF, une formule qui pourrait sans doute être dupliquée pour former des enseignants du secondaire, également en manque de titulaires.
Anne Perzo-Lafond