« Vous demandez si Dembéni est toujours une zone impaludée ? C’est où Dembéni déjà ? Au nord ? »… Cette réponse à la forme interrogative que nous avions eue de l’Agence Régionale de Santé de l’Océan Indien depuis La Réunion il y a 6 ans, ne sera désormais plus qu’un mauvais souvenir. Des services de communication hyper centralisés à La Réunion (décentralisés depuis, et ce n’est pas faute de l’avoir réclamé), était une illustration de ce que la prise en charge de la santé pouvait connaître de pire à Mayotte : une autocratie réunionnaise des problèmes de santé, qui nous ont privé d’une manne financière, d’une solide prise en charge de la prévention, notamment de la lutte anti-vectorielle, et de soins proches des problématiques locales.
Mayotte va donc avoir son agence de santé au 1er janvier prochain, portée dans sa transition et pour ces premiers pas, par Dominique Voynet. L’hostilité pour ce projet de la part de la direction de l’ARS OI n’est plus qu’un secret de polichinelle, il n’y a qu’à voir l’absence de communication à Mayotte du plan « Ma Santé 2022 », qui a fait l’objet d’une grande conférence de presse à La Réunion, et d’un grand vide à Mayotte. Une hostilité qui a eu raison de l’action de Xavier Montserrat, mais que Dominique Voynet ne craint pas, nous a-t-elle expliqué, en mettant en avant sa notoriété et son expérience.
Nous en voyons déjà les effets bénéfiques, puisqu’elle était interviewée sur la matinale de France Inter ce mardi matin, au sujet de la politique de santé à mener à Mayotte. C’est donc à une heure de grande écoute que les auteurs de la France Inter, pour reprendre le slogan radio, ont appris que Mayotte avec la départementalisation de 2011, a dû rattraper en moins de 8 ans, 70 ans de strates administratives des autres outre-mer. « Ce qui explique les conditions très dégradées, tout le monde n’a pas accès à l’eau potable, il existe des maladies liées à des carences alimentaires qui ont disparu de la quasi totalité des pays développés, comme le béribéri ».
Un bon diagnostic
Dominique Voynet a pointé du doigt « la méconnaissance à Paris des difficultés de ce département », et souligné que sa nomination « est une sorte d’encouragement à interpeller le ministère de la Santé, le ministère des outre-mer, et les budgets de l’Etat pour de bonnes décisions à Mayotte. » Trop longtemps, de la distance pas seulement géographique a été mise entre les décisionnaires et le terrain, « il y a un problème de moyens, mais aussi de formation professionnelle et de coordination entre l’Etat central et ce département. » Enfin un bon diagnostic est posé, reste les moyens qu’on va y mettre.
L’Agence de Santé de Mayotte est une autonomie salutaire, qui évitera de passer par « ce filtre » qu’était l’ARS OI, un « filtre bienveillant » modère-t-elle. En tout cas, la liaison se fera directement entre le ministère et Mayotte.
Pour arriver à cette indépendance, il faudra des moyens avait expliqué Dominique Voynet devant les médias mahorais, essentiellement humains, avec l’exigence de résoudre « l’énorme problème d’attractivité du territoire », « le nombre de généralistes se compte sur les doigts des deux mains, et les spécialistes sur une seule main. » L’ex-ministre invite pour cela à changer l’image de Mayotte, « la pratique médicale y est intéressante. » De fait, de nouveaux médecins généralistes se sont récemment installés sur le territoire.
Même interpellée sur le sujet plus général de la politique gouvernementale en matière d’écologie, elle qui en a incarné un des visages leader, Dominique Voynet parvenait à ramener le sujet sur Mayotte…
Anne Perzo-Lafond