Selon le président du Sieam Mouhamadi Bavi, jeudi dernier le bureau a délibéré en faveur d’une délégation de maîtrise d’ouvrage en eau et assainissement à la DEAL, la Direction de l’Equipement. A force de déléguer, il ne resterait plus grand chose du Syndicat intercommunal. La gestion de l’eau l’est déjà à Vinci par la SMAE, et l’assainissement sui la même voix, allouée à la même société.
Il est désormais question de déléguer la réalisation des travaux du contrat de progrès, d’un montant de 140 millions d’euros.
Alors que des gros investissements sont attendus, en particulier dans le domaine de l’assainissement où rien ne bouge, la gestion du Sieam était pointée du doigt en août 2018 par la Chambre régionale des comptes (CRC) qui avait recommandé qu’un Comité de pilotage encadre désormais le Sieam. Cela n’a apparemment pas suffi. Il était donc probable qu’au regard du risque de ne pas consommer les fonds, l’Etat veuille reprendre la main.
Ce que nous confirme Bavi : « Le préfet m’a proposé de déléguer à la DEAL la gestion des travaux. J’ai demandé à mon bureau de se prononcer jeudi, et la décision de transférer à l’Etat a été validée. » Nous n’avons pas eu la confirmation de ce vote par le bureau. Bavi semble sombrer dans le fatalisme : « Tant pis, c’est la mort du Sieam, mais je vais pas me bagarrer contre le préfet. Par contre, j’ai demandé aux maires leur avis ». Logique pour un syndicat intercommunal…
Quelqu’un pour porter le chapeau
Mais ce qui n’a pas toujours été le cas, maugrée Saïd Omar Oili, président de l’Association des maires de Mayotte (AMM). Pourtant habituellement assez prompt à manier l’humour, il ne goûte que peu la démarche de Bavi de consulter les maires : « Quand je me suis opposé à la résiliation de la DSP avec Vinci, il m’a sali dans les médias, il est passé outre notre avis, et là d’un coup, il nous consulte ! »
Selon lui, il est probable que les maires ne répondent pas au courrier, « il cherche quelqu’un pour porter le chapeau d’une décision de l’Etat qui est uniquement liée à sa mauvaise gestion », en la détaillant : « Pourquoi a-t-il voulu construire une station d’épuration à Sada quand celle de Dembéni ne fonctionne pas faute de raccordements ? Il fallait d’abord s’attaquer à ce problème en pratiquant une politique d’incitation des habitants à se connecter au réseau d’assainissement, ou agir sur la prévention d’éventuelles pénuries d’eau, ou sur le sous-dimensionnement des réservoirs. »
Bavi sur un siège éjectable
Il a bien reçu un courrier de Bavi, (lire la Lettre du Président SIEAM) ainsi qu’une proposition de convention de maitrise d’ouvrage, vraisemblablement rédigée par la préfecture, puisqu’il est fait état du dernier contrôle budgétaire de la CRC d’août 2019, qui « a estimé que l’état financier du SIEAM ne lui permet pas de mettre en œuvre le programme d’investissement ».
S’il constate une « mauvaise gestion » et une incapacité à la consommation des fonds, pour autant, Saïd Omar Oili n’est pas favorable au transfert vers l’Etat de cette maitrise d’ouvrage, « c’est un recul en matière de libre administration des collectivités. Le Sieam reste un bel outil, tout dépend de qui le gère ! » Ce qui pourrait nous inciter à conclure à un départ de Mouhamadi Bavi, ce que Saïd Omar Oili ne demande pas. Il lui propose par contre une réunion “dans les meilleurs délais” en présence de tous les délégués syndicaux.
On l’a vu avec les fonds européens, le gouvernement à travers le préfet, semble opter pour une politique de recentralisation tous azimuts, faute de compétence pour exercer ces missions. Parviendra-t-il à ses fins en confiant la gestion des investissements à la DEAL ?
Du côté du Syndicat des Eaux, la prochaine étape revient au Comité syndical qui doit se prononcer à la fin du mois d’octobre, sur ce transfert vers une DEAL qui devra muscler ses compétences internes pour être à la hauteur des réalisations.
Anne Perzo-Lafond