La voix cassée, à peine audible, le prévenu était soutenu par sa famille, discrètement assise au milieu de la salle d’audience du tribunal correctionnel de Mamoudzou. Du jeune homme de 20 ans, les juges n’obtiendront aucune explication sur les faits qui remontent au 19 septembre 2017. Ce jour là vers 15h30, un jeune de 17 ans marche à proximité de la Poste à Kawéni quand trois jeunes l’abordent pour lui demander une cigarette. L’adolescent acquiesce et partage son paquet de clopes avec la petite bande. Mais l’un d’eux, “le plus petit” selon la victime, se saisit de sa sacoche et tire dessus. Un portable tombe au sol. Instinctivement le jeune homme résiste. L’un des agresseurs, Alfred, seul majeur du groupe, sort alors une lame et frappe plusieurs fois le garçon qui finit par lâcher prise. “Si après ces coups de couteau il n’avait pas lâché, j’aurais continué” racontera l’auteur des coups au juge d’instruction. Des propos confirmés au tribunal.
Après ces coups, un mineur attrape le sac au sol et le groupe prend la fuite. Ce sont des témoins qui identifient formellement les auteurs de l’agression, ce qui permet leur arrestation dans les jours qui suivent. Commence alors une enquête menée par un juge d’instruction. Au fil des auditions et des confrontations, les agresseurs reconnaissent les faits. Les mineurs ont été condamnés par le juge des enfants. Le majeur était le dernier poursuivi.
Ce dernier, placé sous contrôle judiciaire est arrivé menotté à l’audience. Car depuis cette attaque, il a été mis en cause dans une procédure criminelle pour laquelle il est en détention provisoire.
Un père violent et un oncle policier
Interrogé sur les faits de 2017, il se contentera de réponses laconiques. “Oui” pour confirmer les faits. “Je n’ai rien à dire” ou “je ne sais pas” pour éluder les questions plus poussées. Sa seule défense consiste à reprocher à son père une éducation violente, quand sa mère, plus affectueuse, était reconduite aux Comores. “Si je suis violent c’est à cause de lui et de son éducation” affirmait-il lors de l’enquête.
Reste qu’avec un père garagiste et un oncle policier à Mamoudzou, le garçon n’a pas grandi dans le dénuement que partagent beaucoup de prévenus qui comparaissent à cette barre.
Pour comprendre un tel accès de violence, il faudra se contenter de l’effet de “meute” dénoncé par le parquet, et par la drogue, chimique pour les uns, bangué pour le prévenu, consommée avant l’agression. Résultat : 5 plaies profondes au bras droit et à la main gauche. 16 points de suture. Une douleur qui persiste deux ans après et des cicatrices à vie. La partie civile réclame 5000€ de provision en attendant une expertise définitive. Le parquet, estimant que le prévenu “sème les victimes derrière lui” réclame 18 mois d’incarcération. Le temps du délibéré, le prévenu a pu échanger quelques mots avec sa famille avant de repartir à Majicavo, les juges ayant suivi à la lettre les réquisitions du ministère public.
Y.D.