Ils ne vont pas décrocher un emploi, ils l’ont déjà. Mais ils vont contribuer à améliorer le contexte qui entoure le patient, comme nous l’explique Chafanti, toute émue de tenir en main son diplôme, mention ‘Très bien’ s’il vous plaît : « Je travaille chez Redeca. Avant je faisais des dépistages du cancer en me concentrant sur l’acte. Désormais, je m’intéresse à la dame que j’ai devant moi, comment elle vit sa maladie, quelles mesures elle prend pour s’adapter. »
On l’a compris, il s’agit, notamment pour le diabète, non plus seulement de soigner, mais de s’attaquer au mode de vie, qui fait que d’autres ont toutes les chance d’être touchés. Echat de son côté, a travaillé sur le projet de manzaraka (grand mariage) sans canette : « Il faut revoir notre base alimentaire qui a adopté la friture au détriment des habitudes de nos grands-mères. Et un manzaraka sans canette a été organisé à Sada », avant de rajouter, « bon, les gens n’étaient pas contents ! » Un bémol donc. N’allons pas jusqu’à sinistrer ces réjouissances, adoptons la carafe d’eau au quotidien, et lâchons-nous pour les fêtes !
Pas de parachutage en matière de santé
Ce très sérieux DU de la santé communautaire colle à la peau de Mayotte, « nous sommes à l’aise ici avec ce concept de démarche communautaire. L’espacement des naissances initié par 1, 2, 3, bass, qui avait bien marché, en est une illustration », commentait Mouhoutar Salim, directeur adjoint de l’antenne de Mayotte de l’Agence régionale de Santé de l’OI. Il s’agit pourtant d’une mesure qui verticale, orchestrée par les décideurs en matière de santé. Justement, il précise, « nous ne devons plus attendre que les mesures soient parachutées d’en haut, mais un groupe de personnes, ou un quartier peut déjà prendre des mesures de préservation de la santé ».
Un absent était dans tous les discours, Xavier Montserrat, ex-directeur et préfigurateur de notre ARS, qui a initié le projet de DU. Philippe Lefevre, co-président de l’Institut Renaudot, encensé comme une rock star par ses étudiants, l’a remercié, et a souligné l’action de l’Agence Française de Développement (AFD), qui a financé le recrutement d’une chargée de mission pour accompagner les étudiants dans le suivi du stage. Le défi était intense, avec des disparités énormes au sein des étudiants, « certains n’avaient pas le bac, quand d’autres avaient 5 années d’études supérieures derrière eux. »
Depuis l’année dernière, la formation s’est adaptée aux besoins de ses étudiants, ce qui valait au Centre universitaire, qui la porte, à l’Institut Renaudot et à l’ARS de signer une nouvelle convention, portant le nombre d’heure de 120 à 140, et surtout, modifiant l’intitulé du DU, qui s’appellera désormais « Animateur en santé communautaire ». Les anciens vont parrainer les petits nouveaux, en plus du système de tutorat déjà en place.
Le désengorgement de l’hôpital par la santé communautaire
Issa Abdou, présent au titre de ses multiples casquettes d’élu en charge des PMI (Protection Maternelle Infantile), et de président du conseil de surveillance du Centre hospitalier, qui évoquait les difficultés d’engorgement de l’établissement. Sa solution est celle de l’application de la CMU-C, « pour développer le secteur libéral ». Une mesure nationale qui ne rentre pas dans le champ de la santé communautaire. Par contre, cette situation de saturation des soins qu’il faut soulager est précisément un des objectifs poursuivis par le remède de santé communautaire. En gros, si chacun s’installe dans des habitudes de vie saines, et encourage des voisins, la santé du système hospitalier devrait s’améliorer.
Impulsée par une AFD qui verrait d’un bon œil que son aide ait une répercussion régionale, la venue d’un étudiant comorien pour développer le concept chez lui, est à l’étude.
En poussant encore plus loin, une des lauréate du DU, Anne Sophie Bonnin, publie un mémoire sur l’impact que peut avoir une formation en santé communautaire sur un projet de planification familiale et de santé reproductive. Ce que Mouhoutar Salim traduit par des exemples d’action de la santé communautaire sur des problématiques fortes à Mayotte, « dans la santé nutritionnelle, celle de la mère et de l’enfant, la santé sexuelles, ou environnementale, telle l’expérimentation ‘Sada nettoie et toi’ ».
Les communes et les Centres communaux d’action sociale (CCAS) sont une bonne échelle pour mettre tout ça en place, Sada et Dzaoudzi Labattoir, et plusieurs CCAS étaient d’ailleurs présents. De bonne augure.
Anne Perzo-Lafond
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